7.3.07

Fuschia que te quiero fuchsia



Sacré Roucou ! Roucou, le racoon rouge d'Artémia Guimbo, c'est lui qui lui fit découvrir la valeur médicinale du fuschia. Artémia possédait alors dans son jardin deux pieds de fuschia, un magellan et un bolivien. Les fleurs en forme de tube renversé de l'onagraceae étaient du plus bel effet et agrémentaient à merveille son petit jardin tropical. Une après-midi alors qu'elle prenait sa sieste règlementaire dans son fauteuil à bascule fait sur mesure, elle se réveilla tout à coup en sursaut. Un mauvais rêve ! Inquiète, elle mit la main à son cou et put vérifier soulagée que son amulette, son collier en dents de jaguar, était toujours à sa place. Puis elle chercha Roucou des yeux, pour s'apercevoir que celui-ci au lieu de s'occuper de sa gamelle de crabes agrémentés de grenouilles, poisson et noix, était en train de se régaler de baies bien mûres de fuschia... Il se tenait en position attendant la chute d'autres baies arrivées à maturité autour de l'arbrisseau...
- Non, n'y touche pas ! Poison ! fit la maîtresse du racoon.
Celui-ci partit en reniflant à l'arrière de l'autre pied bien vivace et envahissant de fuschia qui avait l'avantage d'échapper à la vue d'Artémia. Au bout de quelques jours de ce régime, Artémia dut se rendre à l'évidence : les baies de fuschia étaient comestibles et Artémia vit son racoon se vautrer avec tant de volupté dans les délices du fuschia qu'elle même se dit :
- Pourquoi pas moi ! Ce qui est bon pour un racoon, ne peut pas être mauvais pour moi.
Par un beau vendredi elle ingurgita juste avant la sieste un ayahuasca de sa fabrication agrémenté d'une poignée de baies de fuschia ! Puis elle s'endormit. En peu de temps le ronflement d'Artémia s'égarait dans des contrées inconnues, se mettait en apnée, histoire de réaliser une longue hémistiche, avant de reprendre sa logorrhée boulimique. Elle parcourut sa vie à grands pas effervescents, se revit à quatorze ans peignant un ange au fusain sur lequel elle s'endormit enlacée toute une nuit, avant de brûler le papier au barbecue comme pour expier un péché mortel, elle se vit à genoux au confessional de l'église Saint-Antoine-des-Divins-Plaisirs contant par le menu détail à l'Abbé Prêcheur sa forfaiture en même temps qu'elle était envahie par ce cyclone intense que peu de fois elle retrouverait, elle revit les courbes généreuses que la nature lui avait fournies et se souvint du jour où à dix-sept ans elle s'était pour la première fois offerte en levrette aux assiduités généreuses d'un étalon de plastique, elle émit à nouveau le ronronnement qui toujours chez elle précédait les effluves du plaisir et s'abandonna goulûment dans les combles bien mérités de la sieste.
A son réveil Artémia, la culotte trempée comme une serpilière, mais fraîche et dispose comme elle ne l'avait jamais été depuis belle lurette, se mit à chanter comme un colibri saoul qui viendrait de s'épancher à une forêt de pistils de fuschia et décida d'abandonner sans hantise désormais l'habituel thé à la pomme cannelle qui lui servait auparavant de digestif. De ce jour, au lieu des décoctions de bois d'inde, carambole, citronnelle, clous de girofle, corossol, gombo musqué, goyave, herbe à fer, muscade, orange grosse peau, pomme cannelle, safran-pays, thym et vétiver ce ne furent que glace au fuschia bolivien, petite confiture de fuschia de magellan, fleurs de fuschia glacées avec du sucre cannelle ou salade de feuilles de fuschia au gingembre.
C'est ainsi que la baie de fuschia s'en fut rejoindre dans le stand de pharmacopée de la belle herboriste le frène et la figue et le fruit de la passion à la lettre F du coin à tisanes...
A la lettre A elle proposait l'angélique et l'anis étoilé, l'ananas et l'avocat, l'amandier pays.
A la lettre B elle proposait bardane et bouillon-blanc, bois d'Inde, bruyère et bois-bandé.
A la lettre C camomille, queues de cerise, chiendent et cynorrhodon (gratte-cul) sans oublier catuaba et christophine et canne à sucre, citronnelle, casse médicinale, café, carambole et corossol.
A la lettre D rien.
A la lettre E eucalyptus.
A la lettre G gentiane, girofle, guimauve, gingembre, gombo musqué et goyave;
A la lettre H herbe à fer, hibiscus et houblon et herbe du charpentier.
Aux lettres I Inga et J Jurubeba et Jurema et K rien.
A la lettre L lavande et lierre terrestre.
A la lettre M matricaire, mauve, mélisse, menthe, ményanthe (trèfle d'eau), mangue, muscade.
A la lettre N rien.
A la lettre O olivier, oranger et orbe blanche.
A la lettre P pariétale, papaye male, pensée sauvage, bourgeons de pin, pomme cannelle, pois d'angole.
A la lettre Q quinine.
A la lettre R feuilles de ronce, reine-des-prés, fleur de rose de Cayenne, rue, romarin.
A la lettre S sureau et semen contra.
A la lettre T tilleul, thé du mexique, thé pays, tamarin et tussilage.
A la lettre U rien.
A la lettre V verveine blanche, vétiver et violette.
Aux lettres W,X,Y,Z rien.