17.12.07

Sulamita Tapiramuta et le jardin de mandragores



Après dix-huit ans de fiançailles au seuil de son jardin planté de mandragores, après dix-huit ans de dimanche soir au vendredi soir à se morfondre dans la non-volupté de la réflexion et de la solitude, après toute une majorité de week-ends troubles et troublants à peser le pour et le contre d'un engagement clair et net, après dix-huit ans de matinées à consulter de long en large les revues matrimoniales à la recherche du prince perdu, après cette immensité d´années dans l'attente de son couronnement de princesse virginale, reine anankastique promise d'une brousse sèche non débroussaillée, Sulamita Tapiramuta fut sèchement débarquée de son piedestal d'ivoire, en pleine nuit de réveillon de Noël, pour devenir subitement un simple avatar de princesse de sang, pour devenir subitement une ex First Lady du Tommy Dorsey local, une ex du beau colonel Mario Dias Coelho, le tromboniste de la Société Philarmonique Minerve, surnommé par ailleurs 'le diamant noir' qui malgré sa réputation bien établie de musicien fertile comptant au tableau de bord vingt-trois naissances dûment répertoriées, (quinze garçons et huit filles, dont seuls quatorze avaient réussi à survivre, et sur ces quatorze-là deux handicappés profonds!)ne réussit jamais à faire arrondir son ventre comme elle l'aurait si ardemment souhaité.
Une à une elle dut se résoudre à ranger bien au fond de son armoire de jacaranda fabriquée sur mesure les jolies camisoles, les jolies chemises de nuit transparentes bleues, roses, chair, qui savaient si bien faire fondre et durcir d'un même allant son compagnon millénaire. Elles en vinrent à moisir malgré toutes les précautions qu'elle prenait pour les préserver libres de toute contamination.
Durant dix-huit ans la maîtresse d'école s'était enfouie week-end après week-end dans cette relation étrange et pendant dix plus huit années elle n'avait jamais ne serait qu'une nuit partagé sa nuit avec quiconque. Tout juste avait-elle consenti à l'heure du bouleversement des sens à se lancer dans l'étreinte mais aussitôt les sens calmés, il fallait que l'autre déménage, loin de ce lit sur lequel elle avait fait serment de ne jamais se donner entièrement en dehors du mariage. Serment fait à sa mère par ailleurs sur son lit de mort. Aînée d'une famille de 11 enfants Sulamita était pourtant une femme déterminée. Comment alors expliquer ce paradoxe, comment alors expliquer cette étreinte inconsistante, obsessionnelle et compulsive de dix-huit ans ?

8.12.07

Periquita, ou le vin de Setubal du Commandeur


Quand Orquidea Dias reçut du Commandeur Arsène Tamarin par un beau dimanche matin une bouteille millésimée de haute facture du fameux vin portugais Periquita, elle était loin de s'imaginer que ce breuvage pourtant réputé dans les hautes sphères serait la source de tous les maux.
Elle plaça son cadeau sur le haut d'une étagère et pendant cinq ans la bouteille demeura inviolée comme d'ailleurs la jeune fille qui à l'âge de 37 ans demeurait encore donzelle et féministe.
Or il arriva un jour ou rangeant ses affaires dans la perspective de l'arrivée d'un prétendant chez elle, la veille d'une soirée dançante mémorable, la bouteille réapparut sept ans après.
Ne comptant ni deux ni trois, Orquidea Dias avait placé la bouteille au frigo pensant la déguster en petit comité dans la chaleur de la nuit de Capharnaum dont elle était originaire.
Elle ignorait bien sûr les effets pervers du breuvage sur la libido tant masculine que féminine

26.11.07

Entre polypes et méduses



On retrouva Prince-Régent Ismaël voguant dans un linceul de polypes et méduses, le corps foudroyé par le venin des nématocystes d'une colonie de cuboméduses Chironex Fleckeri à soixante tentacules, chacun mesurant quatre mètres cinquante de long pour six millimètres d'épaisseur, le coeur paralysé, les yeux hagards...

14.10.07

L'inspecteur Hippolyte Lovely



L'inspecteur Hippolyte Lovely, avant d'être installé dans ses fonctions d'exploitant agricole sur la commune de Fonds Guatemala, avait exercé toutes sortes de métiers : il avait ainsi été tour à tour dans le désordre brancardier dans les hôpitaux, vendeur de journaux à la criée, professeur d'anglais, journaliste-pigiste, photographe, professeur de français, interprète-traducteur, instituteur, facteur, laveur de vaisselle, cuisinier, barman, employé de bureau, vendeur de bijoux, distributeur, chanteur, bibliographe et enfin policier avant de trouver enfin sur le tard sa vocation d'exploitant agricole. Ses études empiriques, ses humanités, comme il se plaisait à dire, n'empêchaient pas qu'il fût très scientifique dans sa démarche méthodologique et il suscitait l'admiration de ses pairs quoique cette admiration fût teintée d'un petit brin de jalousie comme il sied en général à tout être humain qui se respecte.
Il avait aussi la particularité insigne pour un homme d'être sujet à la migraine ce qui loin de l'handicaper dans l'exercice de ses fonctions d'homme des champs avait fini par au contraire lui permettre de repousser la maladie dans ses tous derniers retranchements. Il se plaisait ainsi à dire que si la migraine ne touche que la moitié de la graine alors utilisons l'autre moitié pour deux et c'est dans ces moments de crise migraineuse qu'il était paradoxalement le plus judidieux dans ses sprises de décision. Mais au nom de la vérité il convient de souligner qu'en vérité la plupart des énigmes qui lui étaient soumises étaient résolues par son ami inséparable, le dénommé Greffier, et qui était un picolette mâle noir à ventre marron.
Le volatile suivait Son Excellence dans tous ses déplacements bien au chaud dans une cage en bois, renouvelée s'il vous plaît tous les six mois, une cage aux fenêtres en permanence ouvertes. L'Inspecteur, qui s'était mis en tête de faire participer son Greffier au concours de chant d'oiseaux de la capitale, le fameux concours des Picolettes, faisait suivre à son protégé un régime draconien, censé lui ouvrir le pharynx et rendre propice les plus belles trilles qu'on ait jamais entendues sur l'archipel des Reliques. Chaque matin à 5h25 précises il lui administrait sa petite potion miracle (dont bien entendu personne ne pouvait avoir vent des composants).
Il n'était pas rare en plein tribunal de voir le juge clore les débats et toutes affaires cessantes se ruer vers la cage pour voir les progrès vocaux de Greffier et ses 13 cm de haut dans sa tentative de déchiffrer une dernière partition.
Et quand il se déplaçait dans son automobile la place du mort, la place à ses côtés à l'avant du véhicule, était réservée non pas à son épouse, mais au volatile, la prunelle de ses yeux, pour lequel décidément il était aux petits soins. Madame, une ancienne avocate au barreau des Reliques, reconvertie elle aussi bon gré mal gré aux délices de l'agriculture suite à la guerre civile qui avait dévasté son Macondo natal, un jour s'était mis en tête de se débarrasser de cette concurrente un peu trop envahissante à son goût, mais mal avait failli lui en prendre, Monsieur ayant menacé d'abandonner le domicile conjugal s'il devait un jour choisir entre l'un et l'autre dans ce ménage à trois un peu particulier. D'ailleurs Monsieur hésitait parfois entre une soirée aux côtés du Greffier et une soirée dans les bras de son épouse. Absurdité de la vie, n'est-ce pas.
Il est vrai qu'une harmonie parfaite régnait entre les deux êtres. Greffier avant même de sortir sa tête de l'oeuf qui l'enveloppait à sa naissance avait déjà été bercé par les sifflements de son maître qui l'avait lui même retrouvé un petit matin abandonné dans les broussailles. Après l'avoir couvé comme une mère, il l'avait élevé comme on élève la chair de sa chair, veillé à la moindre alerte, choyé, dorlotté, enfin il en avait fait un fils légitime et il ne manquait plus qu'à le coucher sur son testament pour qu'il fût enfin considéré comme son fils adoptif.
D'ailleurs Monsieur l'Inspecteur ne faisait pas de mystère : il se faisait vieux et il faudrait bien tôt ou tard veiller à la destinée de ce chérubin tombé du ciel qui allait maintenant sur ses 5 ans.
Cela faisait maintenant 20 ans que l'Inspecteur et son épouse, aprés avoir quitté Macondo, s'étaient retrouvé sur l'île de l'Epée, à Fonds Guatemala, où ils s'étaient reconvertis avec bonheur dans le commerce des fleurs exotiques coupées et avec le temps c'est leur fille ainée qui était devenue une spécialiste dans la fabrication de bouquets. Monsieur avait ainsi acquis 16 hectares de terre pour faire pousser ses héliconias, ses alpinias, ses balisiers, ses esterelizas, ses roses de porcelaines rouges et roses, ses anthuriums, ses orchidées tigrées, ses feuilles de multipliant mais il élevait aussi 100 poules, 40 cochons, une dizaine de cabris et s'était récemment essayé à la production de tomates et de piments. Aidé de ses 4 enfants et de son épouse il menait son affaire avec un sérieux et une dédication qui faisaient plaisir à voir.

29.9.07

Sainte Dièse, ora pro nobis !

A l'entrée de Fonds Guatemala, quelque part dans Caféière, trône le totem massif en bois de palétuvier rouge de sainte Dièse, martyre, descendante vivante de Jean VIII l'Angélique, l'Héritière dans l'Evangile selon Philippe, celle qui un jour, du haut de ses quarante-neuf ans, ses soixante-neuf rejetons et ses cent trente cinq kilos, prononca ces mots empreints de sagesse toute biblique: "J'ai demandé à l'Eternelle de m'aider à clouer la chair du péché au pied de la Croix car la chair du désir cela n'a pas de sens!"
A l'approche du monument de chair incorruptible et imputrescible, dressé comme la clé de voûte du Temple de Salomon au milieu de nulle part, les Saintes Ecritures et la Règle de saint Bernard à la main pour toute arme, nul passant, nul croyant ou mécréant ne peut faire l'impasse. Il convient de saluer la Sénéchale jusqu'à ce qu'elle vous décoche ce sourire entendu de sainte, introduite dans les arcanes de l'Esprit Saint et de Marie-Madeleine, au courant de tous les faits et gestes, de toutes les péripéties de Son Eternelle, un jour Roi de Gloire, l'autre Reine de Sagesse.
Sainte Dièse, arborant petite barbiche blanche et cheveux tressés blancs et gris, est devenue par la force des choses la Messagère : celle qui sait discerner le bon grain de l'ivraie. Madame Alleluia, comme on l'appelle encore, quand ce n'est pas Madame Bon Dieu, sait mieux que quiconque faire la part de Dieu et celle du Diable. Elle prodigue conseils à qui mieux mieux, tenant avec elle-même un immuable et perpétuel Concile de Nicée : le samedi il faut faire sabbat, ne pas faire de représentation de Dieu, ne pas crier en vain le nom de Dieu, ne pas boire d'eau glacée, ne pas manger de viande de cochon, ne pas manger de sang, pas de boudin, obéir les dix commandements, se préparer pour l'enfer car il n'y a pas de purgatoire...Saint Thomas a failli perdre son ciel à cause de son incrédulité!
Tout en sainte Dièse, des racines échasses aux pneumatophores, respire l'indulgence plénière de l'Eternelle et si parfois elle quitte en dandinant le soleil de sa véranda pour l'ombre de la rue, c'est pour mieux encore répandre dans les coursives de nos oreilles la parole de l'Eternelle et vilipender dans le même sac à serpents hommes infidèles, femmes adultères, enfants qui n'appliquent pas les préceptes que leur ont pourtant enseignés leurs aînés... même l'onction de l'Eglise ne trouve pas grâce aux yeux de l'Emissaire du Ciel pour qui la seule vertu se trouve dans les plantes et qui pour seule preuve de cette science infuse a réussi à concevoir soixante-neuf enfants : par cinq fois des quintuplés, quatre fois des triplés et seize fois des jumeaux ! Dièse de Sainte Lumière, Chevalière du Christ et du Temple de Salomon, ora pro nobis !

19.9.07

Voyage à Fonds Guatemala 2

Fonds Guatemala, ou mieux Guatemala pour les intimes, ne figure sur aucune carte des Reliques. Ce n'est ni un atoll, ni un banc de sable, ni un récif, ce n'est rien donc à priori qui puisse intéresser un quelconque géographe du réel. Mais pour ceux qui se passionnent pour la géographie de l'indescriptible, pour la cartographie de l'insaisissable, alors nul n'est besoin de longue-vue ou de gouvernail pour accéder à cette contrée aux frontières indéfinissables. Nul besoin d'embarcadère, point n'est besoin de gare ! A peine a-t'on mis pied en Fonds Guatemala qu'on est emporté par un moteur Vulcain de fleuves amazoniens alternant leurs eaux noires, vertes voire mauves, leurs sauts vertigineux et leurs criques accueillantes. Doté d'un moteur cryotechnique Vulcain, avec une poussée de 1100KN, soit l'équivalent de deux moteurs Viking pendant dix minutes, le coeur de Fonds Guatemala développe une puissance de 115 tonnes pendant plus de de 570 secondes. La puissance dégagée est équivalente à celle d'une centrale atomique ! La tête explose, double de volume, tous les canaux sont bouchés, la pression monte à 60 bars et la température à 3000 degrés Celsius. La migraine devient une graine totale, compacte, refermée sur elle même en autarcie lente mais définitive. Aucune piste taillée à coups de machette dans une nature vierge pour donner lieu à un Cap Canaveral de médicaments pour fludifier le sang, pas de pont de singes, nul bac ne vous sépare en Fonds Guatemala de l'ici et du là.
Fonds Guatemala, le pays migraineux aux montagnes qui bouillent où même les toucans en pleine voltige se donnent des airs de marteaux-piqueurs, où des lézards géants pondent l'un après l'autre leurs cent oeufs de douleur dans des corps subitement tranformés en savane ! On s'étonne parfois qu'un louve immaculée s'immisce là où l'on s'attendrait à voir surgir un raccoon rouge des palétuviers mais c'est bien là le moindre paradoxe de Fonds Guatemala, capitale de la déveine, où même les cyclones les plus charognards se refusent à flairer la moindre chair en décomposition, Fonds Guatemala, la troublante escale, qu'Artémia Guimbo visitait néanmoins en pélérinage tous les vendredis après-midi avant confesse.

12.9.07

Voyage à Fonds Guatemala I

Communiqué de Presse :
Le Professeur Prince-Régent Ismaël, ara bleu cobalt de renommée internationale, installé depuis une éternité dans sa villégiature de l'île de Kalakata, archipel des Reliques, a disparu ce week-end à l'occasion d'un voyage à Fonds Guatemala, sur l'île de l'Epée. Prince-Régent Ismaël avait pendant sa jeunesse exercé la Régence du Royaume de Kalakata jusqu'au couronnement en 1917 de Sa Majesté Charlotte-Zoulou III. Depuis, le fameux perroquet télépathe, objet d'investigations scientifiques internationales, s'était reconverti dans la profession de professeur de chant. Il avait ainsi pu bénéficier de cours particuliers de Caruso et de Maria Callas et son école de chant, l'Académie Prince-Régent, ne désemplissait pas depuis plus de 60 ans. L'Inspecteur Hippolyte Lovely et son équipe ont été dépêchés sur place et mènent l'enquête. Selon sa compagne Flore de Sainte Rita, chez qui demeurait le professeur, certains indices pourraient accréditer que la disparition est d'origine criminelle. L'Inspecteur quant à lui ne privilégie aucune hypothèse. Malgré son âge avancé Prince-régent Ismaël avait bon pied bon oeil et se rendait fréquemment à Fonds Guatemala où était enterrée sa première épouse Médina Bosco et où il possédait une propriété.

6.9.07

Complainte de Jean-Zoulou XXIX

A cinq heures du matin
Il était juste cinq heures du matin.
Un ange apporta le rhum blanc
à cinq heures du matin.
Le citron vert déjà pressé
à cinq heures du matin.
Et le reste n'était que bouteille vide, rien que bouteille vide
à cinq heures du matin.

L'eau glacée avalée chassa la charpie
à cinq heures du matin.
Et la canne sema un nouvel alizé
à cinq heures du matin.
Déjà luttent l'ortolan et le raccoon
à cinq heures du matin.
Et la gorge avec le verre désolé
à cinq heures du matin.
Le tafia commença à sonner
à cinq heures du matin.
Les cloches de venin et la fumée
à cinq heures du matin.
Dans les recoins, des cyclones de silence
à cinq heures du matin.
Et la bouteille seule, le goulot offert!
A cinq heures du matin.
Quand vint la sueur de l'iode
à cinq heures du matin,
quand le comptoir se couvrit de café
à cinq heures du matin,
la bouteille déposa ses derniers oeufs dans la bagasse
à cinq heures du matin.
A cinq heures du matin.
Juste à cinq heures du matin.

Un cercueil à roues de verre bouteille pour couche
à cinq heures du matin.
Flûtes et contre-ut s'enchaînent à ses oreilles
à cinq heures du matin.
Déjà la bouteille mugissait contre son front
à cinq heures du matin.
Le bar s'irisait de vomissures
à cinq heures du matin.
Déjà au loin s'approche le paradis
à cinq heures du matin.
Diarrhée sur la langue qui verdit
à cinq heures du matin.
Les papilles brûlaient comme des soleils
à cinq heures du matin,
et la houle démâtait les entrailles
à cinq heures du matin.
A cinq heures du matin.
Aïe, quelles terribles cinq heures du matin!
Il était cinq heures à toutes les horloges.
Il était cinq heures à l'ombre du matin!

5.9.07

Atlas raisonné de l'archipel des Reliques

Archipel des Iles Grasses : l'un des sous-ensembles de l'archipel des Reliques comprenant les 7 îles suivantes : Lundi-Gras, Mardi-Gras, Mercredi-des-Cendres, Jeudi-Gras, Vendredi-Gras, Samedi-Gras, Dimanche-Gras (appelé aussi Alleluia)
Archipel des Reliques : ensemble de 170 îles dont 36 sont habitées alors que les autres sont considérées sacrées et utilisées à des fins magico-religieuses
Archipel de Vaval : l'un des sous-ensembles de l'archipel des Reliques comprenant les îles suivantes : Bacchanales, Fantoches, Girofles, Guêpes, Matamore, Matylis, Momons, Rex, Singe Vénérable, Souris Vertes, Vaval
Archipel des Zoulous : l'un des sous-ensembles de l'archipel des Reliques comprenant les îles suivantes : Zoulous, l'Epée, Kalakata
L'Autre Bord :tout ce que l'oeil ne permet pas de voir au delà de l'horizon
Mont du Bout du Monde à Part : strato-volcan conique culminant à 506 mètres sur l'île de Kalakata. Autrefois appelé Caféière.
Caféière: ancien nom du volcan Bout Du Monde à Part
Capharnaüm Antique: le repaire, le port d'attache, le refuge, la terre natale de Victor-Solange Eternel située dans la mer d'Entre-Deux-Morts
ile de l'En-Dehors: île principale de l'archipel des Reliques
île de l'Epée, aussi dénommée Kaatinga : île située le plus au Nord de l'archipel où se trouve l'hôpital des Aliénés
Extra-Muros : ville principale de l'île aux Zoulous
île de Kalakata, île de l'archipel de Zoulous
Macondo : état limitrophe des Reliques
Grand Marécage de Wolfork
île aux Masques : île située à l'extrême Sud de l'archipel, siège du carnaval permanent
Mer d'Entre-Deux-Morts
République des Iles-Unies des Reliques : nom officiel de l'Etat Reliquois
Sierra Médina : chaine de montagnes en terre Macondo.
Station Wolfork : capitale de la République des Iles-Unies des Reliques, située sur l'île de l'En-Dehors
Fleuve Zoulou : fleuve aux 5 affluents (Kalakata, Wolfork, Rivière Noire, Rivière aux Herbes, Vieux-Corps) tous nés dans la Sierra Médina et qui viennent se jeter dans le Grand Marécage
Zoulous, île faisant partie de l'Archipel des Zoulous

4.9.07

Le Who's Who de l'archipel des Reliques

Docteur Abel Mango : Vice Premier Ministre (IUR)
Acace : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le jacquier
Alphonsine Déluge, mère de Victor-Solange Eternel
Anicet Guimbo (dit Théodore Maglouglou) : fabricant de fauteuils à bascule, père d'Artémia Guimbo: père de 52 rejetons
Antonieta Wanda Sandragon (dite Bise) : tenancière du cabaret "Le Ballet des Fleurs", mère de Pépita Sandragon-Guimbo
Arsène Guimbo, frère d'Anicet Guimbo, boucher à Extra-Muros
Arsène Tamarin (dit Boniface) : le Commandeur, marin-pécheur, propriétaire de bar, 1524 rue Augusta à Kalakata, 67 ans
Artémia Guimbo : Saint Ange Victoria Sandragon, dite Artémia GUIMBO, Mademoiselle la Chevalière, la Veuve Eternel, Veuve Tito-Dandy, marchande de simples, 52ème et dernière fille d'Anicet Guimbo, la deuxième fille de Pépita Sandragon
Avémaria Malanga : épouse de Krishna Malanga
Ballet des Fleurs (Le): cabaret tenu par Antonieta Wanda Sandragon
Bancoulélé :  l'un des multiples noms de Victor-Solange Eternel
Barbe : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le cacaoyer
Baron-Soie : Coq de combat célèbre
Bélisaire Miguel : Musicien sourd et muet célèbre originaire de l'île Kaatinga
Blaise : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le manguier
Blanca Moreno : artiste-peintre de Macondo, fille de Sa Majesté Joachim-Zoulou V
Calvaire Marie-Saintes : propriétaire du pitt "Le Bantam" situé dans les hauteurs de Station Wolfork
Catherine d'Alexandrie : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le cocotier
Célestin dit Tintin Eternel, père de Victor Solange Eternel
Centre Spirite Moisson d'Amour: Centre où évolue Flore de Sainte Rita
Césaire Chamberlain : Premier Ministre de la République des IUR, Ministre de la Communication, de l'Action Humanitaire, du Travail, du Commerce et des Industries (IUR)
César Saint-Pierre : Gouverneur, Banque Nationale de Réserve (IUR)
Sa Majesté Charlotte-Zoulou III : fille de Jean-Zoulou XXIX et Medina Bosco. Anciennement Immaculata Luzinda Temporã
Christophe : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le jambosier
Colbert Martins-Dandy : Ministre de la Défense (IUR)
Commandant Cafre: ombre de Victor-Solange, natif de Caféière
Congrégation des Veuves de Ti-Zoulou : anciennement Société Protectrice des Dauphins de l'Epée
Coq d'Arçons (aussi le Général, le Connétable, l'Ecclésiaste): coq de combat célèbre
Cyclone: l'un des noms de Victor-Solange Eternel
Cyriaque : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par l'acajou à pommes
Dalila: voir Ondine Guimbo
Les Dauphins Zoulous : dauphins de rivière endémiques du lac de l'Epée sur l'île de même nom, descendants selon la tradition du Messie Jean-Zoulou XXIX
Dégardel : marin-pécheur sur l'île de l'Epée
Denis : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le tamarinier

Dièse de Sainte Lumière: sainte Dièse, la Déesse
Elie Saint-Saint : mari d'Italia
Son Altesse Royale la princesse héritière Elvira-Zoulou, fille de Joachim-Zoulou V. Premier Ministre en charge des départements des finances et des transports (IUR)
Erasme : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le carambolier
Eustache : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le corossolier
Flore de Sainte Rita : filleule de Pépita Guimbo, Miss Quadrille d'Or. Habite 9 place du Marché à Kalakata. Bibliothécaire au Centre Spirite Moisson d'Amour. Serveuse au bar chez Boniface. Amante du Commandeur Arsène Tamarin.
Florent Gibson : Ministre du Tourisme (IUR)
Fortuné Tamarin : frère de Boniface
Père Gaëtan : Monsieur l'Abbé Précheur, prêtre Tertiaire de Saint-François, curé de la paroisse de Kalakata, abbé exorciste et professeur de plain-chant grégorien
Georges : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le bananier
Gilles : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le litchi
Guy : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le calebassier
Hyppolite-Léon Deleuze Flammarion : voir Prince-Régent Ismaël
L'Indicible : saint Pantaléon, le Maitre Intercesseur en personne, jumeau de Saint Antoine des Divins Plaisirs syncrétisé par le figuier mâle
Ismaël: premier valet de chambre de Jean-Zoulou XXIX, époux de veuve Medina Bosco
Italia Saint-Saint : fille de Victorien Saint-Saint et Musette Coulirou
Jean-Zoulou XXIX : le Prophète, réincarnation de Victor-Solange Eternel dit Khan XXIX
Sa Majesté Joachim-Zoulou IV : fils de Charlotte-Zoulou III
Sa Majesté Joachim-Zoulou V (anciennement Joachim-Edouard Zoulou): fils de Joachim-Zoulou IV
Son Altesse Royale la Princesse Consort Joachina Vaval : épouse de Joachim-Zoulou V
Judas Barbélo : exécuteur testamentaire de Jean-Zoulou XXIX
Krishna Malanga : frappeur de cercueils
Lambi Lambi (alias Tito, alias le Cardinal, de son vrai nom Orphélien Félix de Tito-Dandy) : cousin de Pépita Guimbo, propriétaire du Studio de Tito, atelier d'orfèvrerie, de photographie et de menuiserie, fabricant de cercueils à ses heures
Son Altesse Royale le Prince Léopold-Rodrigo Zoulou : fils de Charlotte Zoulou III
Magdaléna Sandragon (dite Maman Magda): mère de Wanda Sandragon
Marguerite d'Antioche : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le bananier
Marie-Thérèse Sandragon : reine douairière, épouse de Joachim-Zoulou IV, fille du Président de la République des Iles-Unies des Reliques
Mathilde Tamarin : mère de Boniface et Fortuné
Maurice Raccoon : Ministre des Finances (IUR)
Médina Bosco : dernière épouse de Jean-Zoulou XXIX
Moïse Gandaia : Président de la République des Iles-Unies des Reliques (IUR)
Sa Majesté le Roi Momon (dit Vaval) : titre honorifique du souverain de Kalakata
Mona Lisa Vinci : Ministre de la Justice, Attorney générale
Musette Tamarin (née Musette Coulirou, dite Man Boniface, l'Alambic, épouse en secondes noces d'Arsène Tamarin, en première noces de Victorien Saint-Saint)
Norbert Kalakata : Ministre des Travaux Publics (IUR)
Ondine Guimbo : fille d'Artémia Guimbo (nom intégral Maria-Ondine Guimbo Mandaçaia) (dite Dalila)
Pantaléon, surnommé l'Indicible, le Jumeau ou le Maître Intercesseur en Personne : l'un des 14 intercesseurs, syncrétisé par le figuier
Patricia Pimentel :Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, des Pêches & Forêts (IUR)
Paul Kako : Ministre de l'Aviation Civile, de la Marine & des Ports (IUR)
Pépita Sandragon (aussi Pépita Guimbo, de son vrai nom Josépha Sandragon) dite Fillotte : mère d'Artémia Guimbo et Pilar de Morfil, marchande de simples itinérante. Habite sur l'île de l'Epée
Philémon Guimbo : père d'Anicet et Arsène Guimbo
Philibert de Morfil : Ambassadeur au Macondo (IUR)
Philippe de Morfil : père de Pilar de Morfil
Pierre Philosophale Guimbo (dit Pierre Grand Phalle): fils d'Artémia Guimbo
Pilar de Morfil dite Mayotte : demi-soeur d'Artémia Guimbo, esthéticienne et pédicure à Mayotte Coiffures
Prince-Régent Ismaël : ara bleu cobalt (Anodorynchus lear, Bonaparte, 1856), perroquet médium doué de clairvoyance, de clairaudience et de clairsentience, réincarnation d'Ismaël, premier valet de chambre de Jean-Zoulou XXIX. Aussi appelé Hippolyte-Léon Deleuze Flammarion
Les Quatorze Saints Intercesseurs : saints protecteurs des Reliques : Acace, Barbe, Blaise, Catherine d'Alexandrie, Christophe, Cyriaque, Denis, Erasme, Eustache, Georges, Gilles, Guy, Marguerite d'Antioche, Pantaléon
Ronald Sandragon : Ministre de la Police, des Pompiers & des Prisons (IUR)
Roucou : raccoon rouge des palétuviers d'Artémia Guimbo
Saint-Antoine-des-Divins-Plaisirs ou des Dix-Vertus: Patron de Kalakata dont la fête patronale a lieu le 13 juin, syncrétisé par son frére jumeau l'Indicible, le Maître Intercesseur en Personne
Saint Léonard de Port-Maurice: saint sous le patronage duquel est placé la Confrérie des Veuves de Ti-Zoulou
Son Altesse Royale la Princesse Salomé-Ursula : fille cadette de Joachim-Zoulou IV
Son Altesse Royale le Prince Consort Séraphin Guimbo : époux de Sa Majesté Charlotte-Zoulou III
Serge Boticario : Ministre de la Formation, de l'Emploi, de la Jeunesse & des Sports (IUR)
Simone Costa : Ministre de la Réforme Agraire, des Ressources Naturelles & de l'Environnement (IUR)
Sinclair Dupont : Représentant Permanent aux Nations Unies, New York (IUR)
Singe Vénérable (aussi connu sous le vocable Saint Cheetah) : divinité dont le culte est particulièrement fervent sur l'île de Kalakata
Teresa Palco : Ministre de l' Education, de la Condition Féminine & de la Culture (IUR)
Ti-Zoulou : fameux dauphin-zoulou qui défraya la chronique sur l'île de l'Epée
Victor-Solange Eternel (dit Sosso, dit Vivic, dit Eternel XXIX, dit Le Grand Raton Laveur, dit Chevalier Cyclone, dit Cyclone, dit Bancoulélé, dit l'Affamé, dit le Vandale, dit le Décalotteur) : le cyclone dans toutes ses magnificences
Son Altesse Royale la Princesse Visitation-Margareth (dite Dent de Cheval) (aussi connue sous le nom d'emprunt de Maria Una Byrrh) : fille de Sa Majesté Charlotte-Zoulou III

Docteur Walter Guimbo : Ministre de la Santé (IUR)
Wilfrid Timotée : propriètaire-éleveur-entraîneur de Coq d'Arçons

17.8.07

L'Assomption selon Flore de Sainte Rita

Vint alors le jour des quarante-neuf ans de Flore de sainte Rita ! C'était un 15 août mais on se serait cru un 6 janvier! Jour d'Assomption de transfiguration et de montée au ciel, jour de paresse et de parousie ! Cinq heures du matin la surprit en plein rêve : elle se débattait dans une joute verbale avec Epicure nu contre elle sur la différence entre avoir du plaisir et jouir ! Le soleil n'avait même pas encore franchi les persiennes qu'un inconnu lui glissa sous la porte une enveloppe ! C'est le bruissement de l'enveloppe sur le parquet de l'entrée qui éveilla la belle endormie car s'il avait fallu compter sur Prince-Régent Ismael, l'ara bleu cobalt qui lui servait de compagnon, elle aurait pu dormir toute la sainte matinée. Elle enfila une paire de sandales (elle détestait marcher les pieds nus sur le parquet) et se présenta le sein gauche débordant généreusement de son t-shirt blanc, le mamelon dur et triomphant et autrement nue comme un ver devant la porte grillagée de son chez elle. Elle se plia en deux à la manière d'une danseuse de ballet fétu de paille au sommet de son art et ramassa gracieusement l'enveloppe, regarda à travers la porte vitrée histoire de voir quel était le messager. Elle allait sortir sur le pallier, mais se ravisa brusquement, se souvenant qu'elle n'était que légèrement vêtue, remit le sein au mamelon triomphant qui débordait dans son écrin de coton blanc. Elle tourna, retourna, virevolta la missive : le cachet de la Poste faisait foi qu'elle avait été expédiée seize ans auparavant d'une ville indéchiffrable, là-bas aux confins du monde, dans un pays qu'elle ne put établir n'étant experte ni en araméen dialectal ni en arabe littéraire ou égyptien. Le timbre jaune représentait un crocodile posant lascivement devant un palmier. L'expéditeur s'affichait clairement : Monsieur Judas Barbélo, notaire ! L'adresse qui suivait était elle incompréhensible...
Qui pouvait bien donc lui souhaiter son anniversaire de si loin. Elle ne connaissait aucun Judas Barbélo. Il y avait bien le Judas Iscariote, le traître honni des Saintes Ecritures, celui du jardin de Gethsémani, là-bas au Moyen-orient mais qu'avait-elle à faire dans cette histoire ? Aujourd'hui c'était l'Assomption, jour de son anniversaire et non la Semaine Sainte et son chemin de Croix. Personne n'allait être crucifié et aucun coq ne chanterait trois fois !
Elle fut saisie de peur inexplicablement ! Il devait sans doute y avoir erreur sur la personne ! Elle relit donc le libellé de l'adresse : Prince-Régent Ismaël, c/o Commandeur Arsène Tamarin, 1524 rue Augusta, Kalakata, Archipel des Reliques. On avait barré le nom d'Arsène Tamarin, rayé son adresse et rajouté à l'encre rouge : Décédé. Faire suivre : chez Flore de Sainte Rita, 9 place du Marché, Kalakata ! Elle maudit la Poste et les postiers ! Le pli était destiné à Prince-Régent Ismaël! Rien pour son anniversaire à elle !
"Probablement des graines spéciales qu'aurait commandées le Commandeur avant sa mort!" pensa-t-elle ! Elle secoua l'enveloppe, histoire de vérifier qu'elle ne contenait pas quelques 30 pièces d'argent, au cas où !
Elle fit passer un rayon de soleil à travers l'enveloppe tentant de déchiffrer quelque chose et voici ce qu'elle réussit à voir : $ ! Elle sursauta ! On aurait dit qu'elle avait reçu les décharges de mille bûchers électriques ...
L'enveloppe lui tomba des mains et alla atterrir sans qu'elle ne comprenne comment dans un seau à champagne où elle gardait depuis des lustres des graines et semences de toutes sortes ainsi que des pétales de rose.
Judas Barbélo! Mais que voulait donc ce Judas Barbélo à son ara bleu cobalt. Mieux, qui représentait-il ?
La chose la plus probable c'était un testament, mais ne connaissant personne en dehors de son archipel natal, elle se perdit en conjectures. Et si c'était une facture non payée ! Il n'était pas question qu'elle se substitue au défunt ! Qui pouvait donc léguer quelque chose à cet animal dans ce monde en fusion. Flore de Sainte Rita n'avait pas l'appât du gain, ni celui du pouvoir mais tout de même elle ne refuserait pas de toucher à une escarcelle tombée du ciel fût elle originaire de Judas, des Caïnites, des scribes ou des Pharisiens ! Pour tout péché miséricorde ! Son jour était venu en tout cas !
Nerveusement elle prit un couteau pour ouvrir l'enveloppe et lui faire révéler ses secrets.
Le document était proprement incompréhensible : il s'agissait de treize feuillets rédigés dans une langue qu'elle ne sut identifier. A part un sceau étrange qu'elle ne reconnut pas au premier abord et des chiffres à certains endroits de la missive tout lui était hermétique. Elle se chercha en vain des ancêtres hébreux, égyptiens, syriens, irakiens. Sans succès.
L'idée lui vient de consulter dans son dictionnaire illustré les différents alphabets du monde et au bout de deux heures de recherches le verdict tomba : il s'agissait de reliquois dialectal, langue morte et sacrée ne comptant que quelques spécialistes dans le monde, dont aucun sur l'archipel des Reliques. Elle apprit ainsi que le reliquois était un mélange de copte, de guarani et de wolof. La langue reliquoise dialectale était représentée par plusieurs formes dont les plus connues étaient le kalakatique, le sahidique, le bohiarique, le lépéique, le payoumique, le mardigrique, le krique (seule langue encore utilisée de nos jours sous forme liturgique), le mistigrique. Il lui faudrait des années peut-être pour déchiffrer le texte et récupérer son héritage selon toutes les apparences. Et pourtant la lettre avait été expédiée seize ans auparavant. C'est alors qu'elle se souvint du sceau. C'était celui de Jean-Zoulou XXIX, le Prophète, celui sur lequel reposait la dynastie de Kalakata !

Elle prit le chemin pour la bibliohèque nationale de Kalakata où elle trouva en bonne et due place une traduction du testament de Jean-Zoulou XXIX en reliquois moderne :



Le testament de Jean-Zoulou XXIX



Ceci est mon testament ou acte de ma dernière volonté.

I





° Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né, il y a plus de soixante-sept ans.

2° Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la mer d'Entre-Deux-Morts, au milieu de ce peuple de Kalakata que j'ai tant aimé.

3° J'ai toujours eu à me louer de ma très chère épouse Médina Bosco ; je lui conserve jusqu'au dernier moment les plus tendres sentiments ; je la prie de veiller pour garantir mon fils ou ma fille à venir des embûches qui environnent encore son enfance.

4° Je recommande à mon fils/ma fille de ne jamais oublier qu'il/elle est né(e) prince(sse) de Kalakata, et de ne jamais se prêter à être un instrument entre les mains des triumvirs qui oppriment les peuples de l'archipel. Il/Elle ne doit jamais combattre, ni nuire en aucune autre manière aux Reliques , il/elle doit adopter ma devise : Paix, Pluie et Prospérité.

5° Je meurs prématurément, assassiné par l'oligarchie reliquoise et son sicaire ; le peuple de Kalakata ne tardera pas à me venger.

6° Les deux issues si malheureuses des invasions de Kalakata, lorsqu'elle avait encore tant de ressources, sont dues aux trahisons de quelques-uns. Je leur pardonne ; puisse la postérité reliquoise leur pardonner comme moi.

7° Je remercie ma bonne et très excellente mère, le Cardinal, mes frères Joseph, Lucien, Jérôme, Pauline, Caroline, Julie, Hortense, Catarine, Eugène, de l'intérêt qu'ils m'ont conservé ; je pardonne à Louis le libelle qu'il a publié en son temps : il est plein d'assertions fausses et de pièces falsifiées.

8° Je désavoue le Manuscrit de Kalakata et autres ouvrages sous le titre de Maximes, Sentences, etc... que l'on s'est plu à publier depuis six ans : ce ne sont pas là les règles qui ont dirigé ma vie. J'ai fait arrêter et juger le duc de Bessa, parce que cela était nécessaire à la sûreté, à l'intérêt et à l'honneur du peuple de Kalakata, lorsque le comte Timal entretenait, de son aveu, soixante assassins à Station Wolfork. Dans une semblable circonstance, j'agirais encore de même.

II




1° Je lègue à mon fils/ma fille les boîtes, ordres, et autres objets tels qu'argenterie, lits de camp, armes, selles, éperons, vases de ma chapelle, livres, linge qui a servi à mon corps et à mon usage, conformément à l'état annexé, côté (A). Je désire que ce faible legs lui soit cher, comme lui retraçant le souvenir d'un père dont l'univers l'entretiendra.

2° Je lègue à lady Julienna le camée antique que le pape Pie VI m'a donné à Tolentino.

3° Je lègue au comte de Mandacaru deux millions de tafias comme une preuve de ma satisfaction des soins filiaux qu'il m'a rendus depuis six ans, et pour l'indemniser des pertes que son séjour à Kalakata lui a occasionnées.

4° Je lègue au comte de Palma cinq cent mille tafias.

5° Je lègue à Ismaël, mon premier valet de chambre, quatre cent mille tafias. Les services qu'il m'a rendus sont ceux d'un ami. Je désire qu'il épouse une veuve, soeur, ou fille d'un officier ou soldat de ma vieille garde.

6° Idem, à Charles-Henri Mamert, cent mille tafias.

7° Idem, à Patrick Antoine, cent mille tafias.

8° Idem, à Dominique Augustin, cent mille tafias.

9° Idem, à Marie-Chantal Achille, cinquante mille tafias,

10° Idem, à Jean-Claude Patrice, vingt-cinq mille tafias.

11° A Frédérique Michel, vingt-cinq mille tafias.

12° A l'abbé Jamo, cent mille tafias. Je désire qu'il bâtisse sa maison sur l'Ile aux Souris Vertes.

13° Idem, à Pascal Marie , cent mille tafias.

14° Idem, à Danièle Achille, cent mille tafias.

15° Idem, au chirurgien en chef Lagly, cent mille tafias. C'est l'homme le plus vertueux que j'aie connu.

16° Idem, à Elisabeth Catherine, cent mille tafias.

17° Idem, au docteur Tran, cent mille tafias.

18° Idem, au général Edmond, cent mille tafias.

19° Idem, au général Solange, cent mille tafias.

20° Idem, aux enfants du général Clairville, cent mille tafias.

21° Idem, aux enfants du brave Zébinel, cent mille tafias.

22° Idem, aux enfants du général Charlery, tué à L'Epée, cent mille tafias.

23° Idem, aux enfants du général Théodore, cent mille tafias.

24° Idem, aux enfants du vertueux général Urbain, cent mille tafias.

25° Idem, au général Angeon l'aîné, cent mille tafias.

26° Idem, au comte Rollin, cent mille tafias.

27° Idem, à Mondésir, cent mille tafias.

28° Idem, au général Claudel, cent mille tafias.

29° Idem, au baron Confiac, cent mille tafias.

30 Idem, à Fesin, auteur de Marius, cent mille tafias.

31° Idem, au colonel Baltimore, cent mille tafias. Je l'engage à continuer à écrire pour la défense de la gloire des armées de Kalakata, et à en confondre les calomniateurs et les apostolats.

32° Idem, au baron Watson, cent mille tafias. Je l'engage à écrire l'histoire de la diplomatie kalakataise de 1872 à 1897.

33° Idem, à Orville, cent mille tafias.

34° Idem, au chirurgien Adélaïde, cent mille tafias.

35° Ces sommes seront prises sur les six millions que j'ai placés en partant de l'île de l'En Dehors en 1872, et sur les intérêts à raison de cinq pour cent depuis juillet 1892. Les comptes en seront arrêtés avec le banquier par les comtes de Mandacaru, Palma et Wolfork.

36° Tout ce que ce placement produira au-delà de la somme de cinq millions six cent mille tafias, dont il a été disposé ci-dessus, sera distribué en gratifications aux blessés de la Guerre Sans fin, et aux officiers et soldats du bataillon de l'île de Kalakata, sur un état arrêté par Mandacaru, Palma, Wolfork, Caruru et le chirurgien Lagly.

37° Ces legs, en cas de mort, seront payés aux veuves et enfants, et au défaut de ceux-ci, rentreront à la masse.


III


1° Mon domaine privé étant ma propriété, dont aucune loi reliquoise ne m'a privé, que je sache, le compte en sera demandé au baron de Rascar, qui en est le trésorier ; il doit se monter à plus de deux cent millions de tafias; savoir :

1° Le portefeuille contenant les économies que j'ai, pendant quatorze ans, faites sur ma liste civile, lesquelles se sont élevées à plus de douze millions par an, si j'ai bonne mémoire ;

2° le produit de ce portefeuille ;

3° les meubles de mes palais, tels qu'ils étaient en 1894 ; les palais de l'Epée, Station Wolfork, Mardi Gras compris. Tous ces meubles ont été achetés des deniers des revenus de la liste civile ;

4° la liquidation de mes maisons du royaume de Kalakata, tels qu'argent, argenterie, bijoux, meubles, écuries ; les comptes en seront donnés par le prince Eugène et l'intendant de la couronne, Hubbel.



JEAN ZOULOU XXIX.

(Seconde feuille)


2° Je lègue mon domaine privé, moitié aux officiers et soldats qui restent de l'armée de Kalakata, qui ont combattu depuis 1892 à 1897 pour la gloire et l'indépendance de la nation ; la répartition en sera faite au prorata des appointements d'activité ; moitié aux villes et campagnes qui auraient souffert par l'une ou l'autre invasion. Il sera de cette somme prélevé un million pour la ville de Station Wolfork, et un million pour celle de Kalakata. J'institue les comtes de Mandacaru, Palma et Wolfork mes exécuteurs testamentaires.

Ce présent testament, tout écrit de ma propre main, est signé et scellé de mes armes.



JEAN ZOULOU XXIX.
(Sceau)

ETAT (A) JOINT A MON TESTAMENT

Boislong, île de Kalakata,
le 15 août 1897.

I

1° Les vases sacrés qui ont servi à ma chapelle à Kalakata.

2° Je charge l'abbé Jamo de les garder et de les remettre à mon fils/ma fille quand il/elle aura seize ans.

II


1° Mes armes ; savoir : Mon épée, celle que je portais à Kalakata, le sabre de Sobieski, mon poignard, mon glaive, mon couteau de chasse, mes deux paires de pistolets de Macondo.

2° Mon nécessaire d'or, celui qui m'a servi le matin de Lundi-Gras, de Mardi-Gras, de Mercredi des Cendres, de dimanche gras, de samedi gras, de vendredi gras, de jeudi gras et de tous les carnavals auxquels j'ai eu l'honneur de participer en temps que chef de l'Etat-major; sous ce point de vue, je désire qu'il soit précieux à mon fils/ma fille. (Le comte Palma en est dépositaire.)

3° Je charge le comte Palma de soigner et conserver ces objets, et de les remettre à mon fils/ma fille lorsqu'il/elle aura seize ans.

III


1° Trois petites caisses d'acajou, contenant, la première, trente-trois tabatières ou bonbonnières ; la deuxième, douze boîtes aux armes impériales, deux petites lunettes et quatre boîtes trouvées sur le sable le lendemain du cyclone de 1889; la troisième, trois tabatières ornées de médailles d'argent, à l'usage de l'Empereur, et divers effets de toilette, conformément aux états numérotés I, II, III.

2° Mes lits de camp, dont j'ai fait usage dans toutes mes campagnes.

3° Ma lunette de guerre.

4° Mon nécessaire de toilette, un de chacun de mes déguisements, une douzaine de chemises, et un objet complet de chacun de mes habillements, et généralement de tout ce qui sert à ma toilette.

5° Mon lavabo.

6° Une petite pendule qui est dans ma chambre à coucher de Boislong.

7° Mes deux montres et la chaîne de cheveux de l'Impératrice.

8° Je charge Ismaël, mon premier valet de chambre, de garder ces objets, et de les remettre à mon fils/ma fille lorsqu'il/elle aura seize ans.



IV


1° Mon médaillier.

2° Mon argenterie et ma porcelaine de Sèvres dont j'ai fait usage à Boislong (état B et C).

3° Je charge le comte de Mandacaru de garder ces objets et de les remettre à mon fils/ma fille lorsqu'il/elle aura seize ans.


V


1° Mes trois selles et brides, mes éperons, qui m'ont servi à Boislong.

2° Mes fusils de chasse au nombre de cinq.

3° Je charge mon chasseur Mathurin de garder ces objets et de les remettre à mon fils/ma fille quand il/elle aura seize ans.


VI


1° Quatre cents volumes choisis dans ma bibliothèque, parmi ceux qui ont le plus servi à mon usage.

2° Je charge Edouarlise de les garder et de les remettre à mon fils/ma fille quand il/elle aura seize ans.





JEAN-ZOULOU XXIX.

ETAT (A)


1° Il ne sera vendu aucun des effets qui m'ont servi ; le surplus sera partagé entre mes exécuteurs testamentaires et mes frères.

2° Ismaël conservera mes cheveux, et en fera faire un bracelet avec un petit cadenas en or, pour être envoyé à l'Impératrice Medina Bosco, à ma mère et à chacun de mes frères, soeurs, neveux, nièces, au cardinal, et un plus considérable pour mon fils/ma fille.

3° Ismaël enverra une de mes paires de boucles à souliers, en or, au prince Joseph.

4° Une petite paire de boucles, en or, à jarretières, au prince Lucien.

5° Une boucle de col, en or, au prince Jérôme.


ETAT (A)


Inventaire de mes effets qu'Ismaël gardera pour remettre à mon fils/ma fille.

1° Mon nécessaire d'argent, celui qui est sur ma table, garni de tous ses ustensiles, rasoirs, etc.

2° Mon réveille-matin ; c'est le réveille-matin de Frédéric II que j'ai pris à Potsdam (dans la boîte n° III).

3° Mes deux montres, avec la chaîne des cheveux de l'Impératrice, et une chaîne de mes cheveux pour l'autre montre. Ismaël la fera faire à Paris.

4° Mes deux sceaux (un de Kalakata, enfermé dans la boîte n° III).

5° La petite pendule dorée qui est actuellement dans ma chambre à coucher.

6° Mon lavabo, son pot à eau et son pied.

7° Mes tables de nuit, celles qui me servaient en France, et mon bidet de vermeil.

8° Mes deux lits de fer, mes matelas et mes couvertures, s'ils se peuvent conserver.

9° Mes trois flacons d'argent où l'on mettait mon eau-de-vie que portaient mes chasseurs en campagne.

10° Ma lunette de France.

11° Mes éperons (deux paires).

12° Trois boîtes d'acajou, Nos I, II, III, renfermant mes tabatières et autres objets.

13° Une cassolette en vermeil.

Linge de toilette.
6 chemises.
6 mouchoirs.
6 cravates.
6 serviettes.
6 paires de bas de soie.
4 cols noirs.
6 paires de chaussettes.
2 paires de draps de batiste.
2 taies d'oreiller.
2 robes de chambre.
2 pantalons de nuit.
1 paire de bretelles.
4 culottes-vestes de casimir blanc.
6 madras.
6 gilets de flanelle.
4 caleçons.
6 paires de guêtres.
1 Petite boîte pleine de mon tabac.
1 boucle de col en or. (Renfermée dans la petite boîte n° III.)
1 paire de boucles à jarretières en or (id.).
1 paire de boucles en or à souliers (id.).

Habillement.

1 uniforme de chasseur.
1 dito grenadier.
1 dito garde nationale.
2 chapeaux.
1 capote grise et verte.
1 manteau bleu (celui que j'avais à Station Wolfork).
1 zibeline pelisse verte.
2 paires de souliers.
2 paires de bottes.
1 paire de pantoufles.
6 ceinturons.


JEAN ZOULOU XXIX.

ETAT (B)


Inventaire des effets que j'ai laissés chez M. le comte de Turenne.

1 sabre de Sobieski.

1 grand collier de la Légion d'honneur.

1 épée en vermeil.

1 glaive de Consul.

1 épée en fer.

1 ceinturon de velours.

1 collier de la Toison d'Or.

1 petit nécessaire en acier.
1 veilleuse en argent.
1 poignée de sabre antique.
1 chapeau à la Henri IV et une toque, les dentelles de l'Empereur.
1 petit médaillier.
2 tapis turcs.
2 manteaux de velours cramoisi brodés, avec vestes et culottes.

1° Je donne à mon fils/ma fille le sabre de Sobieski.
Idem le collier de la Légion d'honneur.
Idem l'épée en vermeil.
Idem le glaive de Consul.
Idem l'épée en fer.
Idem le collier de la Toison d'Or.
Idem le chapeau à la Henri IV et la toque.
Idem le nécessaire d'or pour les dents, resté chez le dentiste.

2° A l'impératrice Medina Bosco, mes dentelles.
A Madame, la veilleuse en argent.
Au cardinal, le petit nécessaire en acier.
Au prince Eugène, le bougeoir en vermeil.
A la princesse Pauline, le petit médaillier.
A la reine de Tafia, un petit tapis turc.
A la reine Hortense, un petit tapis turc.
Au prince Jérôme, la poignée de sabre antique.
Au prince Joseph, un manteau brodé, veste et culotte.
Au prince Lucien, un manteau brodé, veste et culotte.




JEAN-ZOULOU XXIX.

11.7.07

Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem

Certains grands hommes naissent comme tracès à la serpe dans la roche et le vent, d'autres non moins grands sont issus d'une transmutation d'os et de graisse ! D'autres, plus grands encore, bien plus rares encore, surgissent à l'improviste des entrailles de la terre et distillent dès leur premier cri de l'or du meilleur aloi ! Il en fut ainsi du frère d'Ondine Guimbo, plus connue sous le nom de Tanjura, enfant utérin d'Artémia Guimbo, celle-là même, cette figure bien connue des Reliques et qu'on affubla jadis en son temps de l'étrange sobriquet de Veuve Cyclone !
Se remémorant la naissance de ce rejeton comme d'une épopée digne d'un des contes de fées les plus fantastiques des Frères Grimm, la Veuve Eternel devait dire bien des décans plus tard : "Quand il est venu à la lumière, j'ai été comme soulevée par des odeurs d'un autre néant ! Ca puait l'or, une odeur de coquillage, de noix de coco, de corne et d'os ! Par réflexe je me suis bouché le nez mais c'est alors que l'enfant a parlé et m'a dit en prenant tout son temps pour que je comprenne bien :"Tu m'appelleras Pierre Philosophale"
Malgré les protestations de l'Officier d'Etat Civil de Kalakata qui avait suggéré en vrac Pierre-Paul, Pierre de Rome, Saint Pierre, Saint Paul, on enregistra en bougonnant la naissance un 29 juin de Pierre Philosophale Guimbo.
La légende raconte que "Tu m'appelleras Pierre Philosophale" furent les seuls et uniques mots que jamais Pierre Philosophale Guimbo prononça à la face du monde connu des Reliques ! mais d'autres sources disent même qu'il se permit le luxe même d'épeler de façon doctorale Pierre Philosophale à sa mère pour qu'aucune erreur ne fut commise par l'état-civil : "PIERRE, P, I, E, deux R, E , PHILOSOPHALE, P, H, I, L, O, S, O, P, H, A, L , E "
On raconte encore, mais les gens racontent tant de choses et la parole galvaudée ne laisse plus qu'une trace infime que seules les vieilles pécores ravaudent encore, donc on raconte encore que c'est parce qu'il connaissait les moindres replis de l'âme d'Artémia Guimbo que son fils se permit de lui épeler le nom par lequel il souhaitait être connu. Il se murmure en effet que la Veuve Eternel au vu de l'anatomie particulièrement vigoureuse de son rejeton et plus spécifiquement au vu de ses deux testicules qui avaient la forme de deux avocats arrivés à pleine maturité s'était exclamée en son for intérieur :"Quel Grand Phalle !"
Mais malgré toutes les précautions prises il n'en alla pas autrement : ce fut sous le nom de Pierre Grand-Phalle que Pierre Philosophale allait grandir.
Etrange destin que celui de cet enfant qui dès le premier jour refusa de téter au sein de sa mère, se recusa à connaître la langoureuse succion d'une tétine de biberon, refusa de goûter la bouillie de dictame ! Monsieur refusait toute alimentation (quoique certaines langues perverses racontent encore que quand on lui badigeonna les lèvres d'une cuillerée de tafia mélangée à du sang de tortue il émit un petit gloussement prémonitoire)! Même sous sérum, il dépérissait à tel point qu'au lendemain de sa naissance on pensait déjà à la fabrication de son cercueil en contreplaqué imitation bois de rose. Mais Artémia Guimbo n'était pas femme à abdiquer si facilement ! Il avait sûrement grand goût, pensa alors sa mère qui manda chercher les plus belles nourrices de lait pour redonner goût à la vie à sa marmaille. Mais tétu comme pas un le petit naufragé méprisa mamelons plats le lundi, dédaigna mamelons coniques le mardi, toisa mamelons ombiliqués le mercredi, ignora mamelons proéminents le jeudi, révoqua aéroles le vendredi, congédia mamelons de tout acabit le samedi. Pauvres Madelons qui s'évertuaient à le faire s'abreuver de leur manne ! Pas une ne trouvait grâce à ses yeux !
C'est alors que le dimanche, au septième jour de la naissance de Pierre que sa mère eut une révélation. La dernière nourrice ayant suggéré qu'on lui administre de force de l'eau de Lourdes bénite alors que l'enfant n'était même pas encore passé sous les fonts batismaux, elle se souvint de l'odeur de coquillage à la naissance de son petit dernier et s'exclama :"Et si on lui donnait un peu d'eau de mer !??"
Elle prit son enfant sous les bras bien enveloppé dans ses langes et se rendit dans une crique toute proche, histoire pensait-elle de lui humecter les lèvres et de voir si la Sainte Providence veillait encore sur elle. Ce fut inespéré ! En un instant l'enfant repris des couleurs ! Il avala l'eau comme s'il se fut agi d'air à grandes bouffées, comme un chameau en dérade après avoir traversé les mirages de cent oasis de lait et de miel! De retour chez elle, Artémia ne fit part à personne de sa découverte. Elle mit tranquillement le naufragé dans son berceau et prenant du jerrycan de dix litres se rendit en canot au milieu de la mer d'où elle puisa 10 litres de la substantifique moelle qui avait redonné vie à sa progéniture. Ce n'est qu'après une semaine entière d'une diète de choc de ce plasma nacré composé aux trois-quarts de son propre lait et pour un quart par de l'eau de mer que Grand-Phalle consentit enfin à s'abreuver au sein de sa mère. Mais il devait tout au long de sa vie continuer à prendre par petites gorgées son sérum, dont il modifia par la suite l'un des constituants : il garda le quart d'eau de mer mais troqua le lait maternel par le rhum à 55 degrés, un vrai ricin artisanal, que ce mélange de deux eaux de vie ! Aussi ne vous étonnez pas si au détour d'un bar à Kalakata comme dans tout l'archipel des Reliques vous entendez commander au maître de céans :"Sers nous deux sérums !". Il reviendra et dira aux amateurs :"Et voilà les deux Grand-Phalles !". Ou bien :"Deux Pierres Philosophales, bien servies" ! Quant à Pierre Philosophale "Grand Phalle" Guimbo ses amours tumultueuses avec la princesse-pianiste Maria Una entreraient un jour dans le panthéon de l'amour à la mode de Kalakata !

30.6.07

Maria Una Byrrh



La Princesse Visitation, fut officiellement baptisée Visitation Margareth par les grands devins de la famille royale. Ils jettèrent cauris, grains de dés, la passèrent au rayon x des feuilles de la savane. Malgré ses fossettes formidables pas un ne réussit la prouesse de lui prédire un avenir chantant et coloré. Il parut évident à tous qu'elle ne connaîtrait que déveine, désillusion et déchéance. La surprise fut d'autant plus grande que bientôt on s'aperçut qu'elle était rousse comme une chauve-souris !Une chauve-souris rousse à dent de cheval pouvait donc s'installer un jour sur le trône de Kalakata !
C'est alors que sa mère eut l'idée de l'initier ua piano dès l'âge de deux ans. A cinq ans un récital Mozart fut l'occasion inespérée de l'envoyer au Canada, là-bas dans les Rocheuses car on avait entendu dire à la cour que l'Alaska était très bon comme changement d'air. En outre elle y connaissait un très bon chirurgien plastique. Elle envoya donc l'enfant et sa nourrice sur le continent nord-américain et pendant 17 ans, dix sept longues années, on ne vit plus la princesse Visitation-Margareth Zoulou. Quand un huluberlu s'avisait de demander de ses nouvelles (c'était en général quelqu'un de très agé qui avait eu vent de sa naissance)on lui répondait invariablement : "oh mais elle étudie son piano, là-bas au Canada, en Alaska dans les Rocheuses" et puis on changeait rapidement de sujet. La princesse tomba dans l'oubli mais on continua de lui envoyer sa dotation annuelle de 11000 Tafias en tant que princesse de sang royal.
Lentement mais sûrement elle tombait dans l'oubli. Mais un jour celle qu'on murmurait être devenue la plus célèbre des virtuoses de Kalakata s'avisa de connaître la terre qui l'avait vu naître.
Elle s'appelait désormais Una Byrrh. Elle avait fait changer son nom au Canada.
-"Hi my name is Maria Una ! Maria Una Byrrh !" disait elle à qui voulait bien l'entendre. Plus rien dans son visage, pas une portion de son apparence aurait pu justifier qu'on l'appelât princesse Dent de Cheval. Elle était transformée ! Et le comble du comble elle avait le plus magnifique des sourires. La commissure de ses lèvres ressemblait à un jardin tropical où en bande multicolore les papillons venaient se poser. L'air semblait virevolter autour d'elle et même en plein jour elle était nimbée d'un halo clair obscur que n'aurait pas désavoué Rembrandt ! Elle respirait l'amour abritée du soleil par un chapeau de pur style sévillais !
Elle travaillait selon ses dires comme toiletteuse pour chiens. C'était une spécialiste là-bas, une technicienne hautement qualifiée dont on s'arrachait les services, avertie en shampoooings et toisons de chiens de toutes races. Ce que la Cour Royale transforma vite en pianiste internationale. Histoire de ne pas perdre la face...
Il fallut quand même s'expliquer sur ce patronyme original. Maria Una Byrrh ! Drôle de nom pour une native de Kalakata. Qui plus est, fille de roi. Avec possibilité d'accession au trône.
L'ex-princesse Visitation-Margareth expliqua alors que depuis toute petite elle se faisait appeler Maria Una Byrrh, qu'elle ne pouvait pas expliquer pourquoi mais que cela lui était toujours apparu comme une évidence biblique. Elle avait dû entamer une procédure judiciaire au Canada pour pouvoir porter ce nom et patati et patata. Mais les hommes de loi de Kalakata, mandatés par la Famille Royale, lui firent observer que les décisions de la Justice Canadienne n'avaient pas force de loi sur Kalakata. Elle fut donc mandatée de laisser de côté cette appellation éhontée et de revenir à son nom d'origine princesse Visitation-Margareth Zoulou. Il ne lui servit à rien d'arguer de sa nationalité canadienne récemment acquise. Nul ne voulut se perdre en arguties. OU elle redevenait la princesse Dent de Cheval et réintégrait ses droits à la Couronne Royale ou elle était déchue de ses droits et perdait donc sa dotation annuelle de 11000 tafias votée par le Conseil Royal depuis 1929. Visitation tenta bien de convaincre son père, le prince-consort Séraphin, qui avait toujours eu un petit faible pour elle, mais ce dernier était inconformé par la nouvelle, et s'était plongé dans un mutisme complet.
Comment le sang de mon sang peut-il refuser mon nom ? se perdait-il en conjectures...
Par ailleurs Maria Una était flanquée en toutes circonstances d'un dogue allemand arlequin gris dont les agissements étaient des plus équivoques puisque du soir au matin Monsieur était en érection continue devant son Altesse Royale et se frottait à celle qu'il fallut bien se résigner à appeler par son nom importé, Maria Una. On commençait à chuchoter ici et là que peut-être cette Maria Una avait-elle de coupables activités sexuelles avec cet étrange animal; la chauve-souris rousse aux ex-dents de cheval et le berger allemand gris, quel couple de feu, riait-on dans les cases et les chaumières.
Mais ils en furent pour leur frais car voici l'annonce qu'Una Byrrh fit paraître dans les pages supplémentaires du dimanche de la Gazette des Reliques :
" Je possède un dogue allemand obsédé, complètement taré, qui me fait honte...
en public... je souhaiterais le vendre de préférence à quelqu'un qui pratique la zoophilie, j'ai besoin de votre aide! CAR CE CHIEN N'EST Né QUE POUR CA! Si vous connaissez quelqu'un qui pratique la zoophylie, ou si vous connaissez une animalerie, un pet shop, ou même si vous avez un ami intéressé, quoi que ce soit, aidez moi à le vendre , il a 6 mois, les yeux dorés, couleur gris "Rat" type Arlequin, pur sang!
Prix : 600 Tafias" ou quelque chose de la même valeur
Accepte toutes propositions! Car ma famille veut tuer le chien à cause de son comportement... Il ne pense qu'à ça, J'ai même des difficultés à l'alimenter, car à l'heure de manger il ne pense qu'à me déguster! Il m'attrape, se colle à moi avec ses pattes, il devient complètement excité, hors de lui, prêt à l'abordage! C'est un spectacle incroyable! Toute la journée!
Appelez moi. S'il vous plait aidez moi ?
Tél: 9161- 8692 ou 91618692 ".
Mais bientôt la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre : Una était venue pour se marier. Elle voulait comme mari un homme de Kalata ! Elle voulait respirer l'amour non pas seule mais à deux.....

14.6.07

Le chapelet aux soixante-douze grâces, soixante-douze écritures et soixante-douze fois

L'archipel est un condensé des religions du monde puisque sur une superficie d'environ 750 km² et pour une population d'environ 100 mille habitants on ne compte pas moins de 52 organisations religieuses parmi lesquelles seules sept sont représentées au Conseil National des Eglises des Reliques (CNER). L'Archipel des Reliques abrite donc les dénominations religieuses suivantes : les Adventistes du Septième Jour, les Assemblées de Dieu, les Hindous, l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, l'Eglise Catholique Romaine, l'Eglise Libre des Reliques, l'Armée du Salut, les Baha'is, l'Eglise Libre Wesleyenne des Reliques, l'Ordre Uni des Saints des derniers Jours des Reliques, les adeptes du Coeur Douloureux et Immaculé de Marie, les Rosecruciens, les Musulmans, l'Eglise Moravienne, les Juifs, les Presbytériens, les Anglicans, les Témoins de Jéovah, les Episcopaliens, les Orthodoxes, les Méthodistes, les adeptes de Vaudou, les Francs-Maçons, les Apôtres de l'Amour Infini, les Mahikaris, les Rastafaris, les adeptes de Candomblé, les Spirites, les Réformés, les Nazaréens, les Bouddhistes, les Pentecôtistes, les Mennonites. On y vénère les 72 noms de Dieu avec dans le désordre Brahma, Vishnou, Shiva, Azaou, Erzulie, Christ, Bouddha, Allah, le Saint-Esprit, Legba, la Sainte-Vierge, Olodum, Iemanja, ce qui explique qu'on ait mainte fois qualifié l'archipel de "chapelet aux soixante-douze grâces, soixante-douze écritures et soixante-douze fois"

31.5.07

Dent de cheval


La princesse Dent de Cheval naquit dans un grand éclat de rire. Dès qu'elle fut parvenue à l'air libre et qu'elle eut franchi le col de l'utérus presqu'en danseuse l'enfant fut prise d'une énorme crise de rire. On aurait dit que l'oxygène la chatouillait tant elle se trémoussait de rire. Un rire si contaminant qu'elle l'inocula immédiatement à mère, sage-femme et médecin ! Ils rirent eux aussi jusqu'aux larmes pour saluer le passage sur la ligne d'arrivée de la vie de leur championne.
Aussi quand, hilare, le médecin particulier de Sa Majesté, le docteur Soukougnan, annonça à cette dernière qu'elle venait d'accoucher d'une sacrée pouliche, la Reine Charlotte-Zoulou n'en parut pas surprise. On aurait même dit qu'il se dégageait d'elle une sorte de fierté. Mais avant même qu'elle ne consente à regarder l'enfant qui était en train de téter sa nourrice elle fit appeler le vétérinaire royal, le docteur Vésou, avec qui elle avait eu affaire il y a de cela de nombreuses années. Celui-ci arriva en toute hâte, fit arrêter la prise de sein, et examina la machoire du nouveau-né. Il compta et recompta : douze incisives, douze prémolaires, douze molaires et ces quatre canines, ces quatre crochets, qui allaient changer la face, sinon du monde, du moins de Kalakata. Son verdict ne se fit pas attendre.
- Douze et douze, vingt-quatre plus douze trente-six et quatre quarante. Cela nous fait un total de quarante dents, Majesté
- Quarante dents à la naissance !???
- Oui Majesté, c'est une vraie mâchoire de cheval
- Oui de cheval entier mais pas de jument. Elle a quatre canines en trop
- Oui comme vous le craigniez Majesté, votre fille est bréhaigne. Elle ne devrait avoir que trente-six dents. Il n'y a rien à faire avec une telle denture! Elle sera à jamais stérile, mais gaillarde. A propos comment comptez-vous l'appeler, cette princesse ?
- Quel jour sommes-nous donc ?
- Le 31 mai, jour de la Visitation de la Vierge, fit le médecin
- Je l'appellerai Visitation alors ! Visitation-Margareth Zoulou, un joli nom pour une princesse !
C'est ainsi que la princesse Visitation s'installa en riant dans le monde des Reliques, dans un monde où elle ne connaîtrait jamais les chaleurs des pouliches en fleur....

26.5.07

La Molera !


D'aucuns au crépuscule du long règne de Charlotte Zoulou III en vinrent à questionner les capacités mentales de leur souveraine ! Il est vrai que cette dernière pouvait déconcerter son monde avec des prises de position à tout venant complétement désarmantes. Elle déclara ainsi la fontanelle ouverte, signe de pureté de la seigneurie de Kalakata. Elle stipula par décret dans les tables de la constitution que pour régner sur l'île de Kalakata il fallait pouvoir se prévaloir d'au moins deux fontanelles ouvertes à vie ! Il est vrai que Sa Majesté pouvait se targuer d'avoir au moment de son décès, le 16 décembre 1965, encore treize fontanelles ouvertes, des grandes, des petites, en forme de losange ou de triangle disséminées entre os pariétaux, frontaux et occipital. C'était devenu une vraie cloche d'eau et sur la fin de sa vie les yeux lui ressortaient par les orbites ce auquel elle tenta de rémédier à sa façon en décrétant un protocole royal des plus stricts qu'elle imposa dès 1963. Devant Sa Majesté il fut fait obligation, sous peine de châtiment pouvant aller jusqu'à la peine de mort, de se prosterner le front contre terre. Devant le Prince Consort Arsène-Séraphin Guimbo, porteur quant à lui de seulement 7 fontanelles ouvertes, il suffisait de s'agenouiller alors qu'en présence des autres membres de la royauté et des nobles, tous porteurs à un degré quelconque d'au moins deux fontanelles ouvertes, il fut exigé des sujets de Kalakata de ne jamais leur adresser un seul regard. L'important pour elle devint alors de maintenir ses multiples fontanelles en contact avec les chatoyances microcosmiques d'un monde dont elle comprenait soudain mieux que quiconque les soubresauts et dilatements. Elle aimait ainsi à se décrire : "je suis la Molera, bregmatique, lambdatique et magmatique à la fois !"
Sa Majesté La Molera, dont les propos émis par une bouche prognathe en forme de huit renversé étaient tenus sur l'île comme paroles d'évangile, était vénérée comme une icône et le beau Royaume de Kalakata devint peu à peu nimbée de l'auréole de sainteté dégagée par la tête, les cheveux, l'ombre et les fontanelles de l'âme royale!
La Molera défraya la chronique en une autre occasion ! Alors que ses sujets avaient coûtume depuis vitam eternam de diviser l'année en cycles, comme le cycle de la banane, le cycle des patates douces ou le cycle du café, ses fontanelles qui lui permettaient d'être en contact direct avec de grands esprits astrologues et astronomes comme l'étaient Métrodore, Eudoxe, Hipparque, Hippocrate et Galien, ses treize fontanelles ouvertes qui lui permirent de consulter le calendrier de Cordoue en version originale, ses treize royales fontanelles ouvertes sur le cosmos lui intimèrent de partager l'année en deux parties suivant les phases des Pleiades du coucher héliaque matinal en novembre au lever héliaque matinal en mai. Il en ressortit un calendrier, le calendrier de la Molera, basé sur l'observation des étoiles et plus particulièrement des Pléiades. Elle détermina par ce calendrier l'imposition de tabous royaux entre le lever héliaque matinal (qui correspondait peu ou prou dans le calendrier solsticial à l'entrée du soleil dans le XIXème degré du Taureau) et le coucher héliaque matinal (correspondant quant à lui à l'entrée du soleil dans le XXème degré du Scorpion). En d'autres mots, du 12 mai au 12 novembre elle entra en Carème. Le Carnaval Perpétuel des Reliques avait vécu ! mais c'était sans compter sur la résistance de la propre famille royale et des élus de la République des Iles -Unies des Reliques qui entrèrent en dissidence contre leur sainte Chihuahua! Le funeste projet fut déjoué grâce à la mort providentielle de la souveraine des Lumières le 16 décembre 1965. Son successeur, Joaquim Zoulou IV par son fameux discours "J'ai eu un rêve" remit heureusement les pendules des Reliques à l'heure sur le chemin de la modernité et le carnaval des Reliques redevint plus triomphant que jamais.

22.5.07

Le chant des zombies partisans

Blanca Moreno : la Hora de los Grillos

Zombie, entends-tu les cornes de lambi qui s'déchaînent ?
Zombie, entends-tu les crécelles et tambours qui dégaînent ?
Ohé, partisans de la fête et du frisson, c'est la transe.
Ce soir la folie ménera le bal décadent en cadence.

Montez de la plage, descendez des savanes, camarades !
Sortez des ruisseaux, dévalez des volcans, en cavalcade.
Ohé, les danseurs entre plumes et confettis, dansez vite !
Ohé, masques à corne, procession aux flambeaux : dynamite...

C'est nous qui versons les barrils de goudron sur nos têtes.
La soif à nos trousses et le rut qui nous pousse à la fête.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font la trève.
Ici, nous, vois-tu, nous on danse et nous on sue, nous on rève...

Ici chacun fait ce qu'il veut, ce qu'il peut quand il passe.
Zombie, si tu tombes un zombie sort de l'ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit le Carnaval nous envoute...

Zombie, entends-tu ces crécelles, ces tambours qui dégaînent ?
Zombie, entends-tu les cornes de lambi qui s'déchaînent ?
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh

J'ai fait un rêve


Discours du roi Joaquim Zoulou IV lors de la céremonie d'ouverture du carnaval de Kalakata en 1966.
"Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce carnaval qui restera dans l’histoire comme la plus grande rêve-partie que notre royaume ait connue en faveur du dévergondage.

Il y a un siècle de cela, un grand reliquois qui nous couvre aujourd’hui de son rut symbolique signait notre acte d’émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand flamboyant saignant dans la chaleur de la nuit, briller la lumière de l’exhubérance aux yeux de milliers d'enfants du carnaval marqués au feu d’un tafia brûlant. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur jeunesse captive.

Mais cent ans ont passé et l'enfant du Carnaval est toujours plein de fièvre. Cent ans ont passé et les entrailles de l'Enfant du Carnaval sont toujours tristement entravées par les liens des confettis et serpentins des Bacchanales ; cent ans ont passé et le fils du Carnaval vit encore sur l’île solitaire du déguisement, dans un vaste marécage de plumes et de paillettes ; cent ans ont passé et Ti-Momo languit toujours sur les marches les plus boueuses de la société reliquoise et se trouve en exil dans son propre archipel.

C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu de mémoire pour rendre manifeste cette honteuse débandade. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de Zoulous pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d’indépendance, les architectes de notre royaume signaient une promesse dont héritaient chaque fils de Kalakata. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les enfants de Kalakata, oui, aussi bien que les fils des Reliques, se verraient garantir leurs droits inaliénables au carnaval, à la cavalcade et à la recherche du bonheur.

Il est aujourd’hui évident que notre royaume a failli à sa promesse en ce qui concerne son carnaval permanent. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, le Royaume de Kalakata a délivré au peuple du carnaval un chèque sans fonds ; un chèque qui est revenu avec la mention "Provisions insuffisantes". Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres du défoulement que possède l'archipel. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les cyclones de la débauche et les tremblements de terre du plaisir.

Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler aux habitants de Kalakata les exigeantes urgences de l’heure présente. Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie ; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées des petites fêtes patronales pour fouler le sentier ensoleillé du carnaval intégral ; le moment est venu de tirer nos deux nations des sables mouvants de l’à-peu-près carnavalesque pour les hisser sur le roc solide du deciduum momesque ; le moment est venu de réaliser la débauche pour tous les enfants de Vaval. Il serait fatal à nos nations d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des fils du Carnaval ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de débauche et d’égalité.

1966 n’est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espèrent que l'enfant du Carnaval avait seulement besoin de laisser s'échapper la vapeur et qu'il se montrera désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses affaires cahin caha comme avant.

Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité en terre des Reliques tant que l'enfant du Carnaval n’aura pas obtenu ses droits de citoyen.

Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante d'un Mardi-Gras permanent.

Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais des Fêtes : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à étancher notre soif de débauche en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle.

Le merveilleux militantisme qui s’est nouvellement emparé de la communauté carnavalesque ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les enfants des Reliques. Comme l’atteste leur présence aujourd’hui en ce lieu, nombre de nos frères des Reliques ont compris que leur destinée est liée à notre destinée. Ils ont compris que leur débauche est inextricablement liée à notre débauche. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bipolaire. Nous ne pouvons marcher tout seuls au combat. Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Il en est qui demandent aux tenants de la jouissance : "Quand serez vous enfin satisfaits ?" Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le carnaval sera victime des indicibles horreurs de la brutalité policière.

Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps reclus de la fatigue du déhanchement ne trouveront pas un abri dans les motels des grand routes ou les hôtels des villes. Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du carnaval ne lui permettra guère que d’aller sur le calendrier d’un petit ghetto à un ghetto plus grand.

Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui indiquent : "Carnaval= déliquescence." Nous ne pourrons être satisfaits tant qu’un fils du Carnaval des Reliques ne pourra pas onduler de la croupe et qu’un fils du Carnaval des Reliques croira qu’il n’a aucune raison d'onduler de la croupe. Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les laves du volcan et le plaisir comme un chaos intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison. D’autres viennent de régions où leur quête de débauche leur a valu d’être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la brutalité policière. Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tache, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption.

Retournez à Zoulous ; retournez à Kalakata ; retournez à Bacchanales ; retournez à Guêpes ; retournez à l'Epée, retournez à vos Lundi-Gras et à vos Mardi-Gras dans les îles Grasses, en sachant que, d’une façon ou d’une autre, cette situation peut changer et changera. Ne nous vautrons pas dans les vallées de l'abandon.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve reliquois. Je rêve qu'un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : "Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux dans la débauche."

Je rêve qu'un jour, sur les rouges collines des Reliques, les fils de Kalakata et ceux de l'En-Dehors pourront se déhancher ensemble sur la piste de danse de la fraternité.

Je rêve qu'un jour, le carnaval de Kalakata lui-même, tout brûlant des feux de l’imagination, tout brûlant des feux de l’illusion, se transformera en oasis de débauche et de plaisir. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur déhanchement mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu'un jour, même à Matamore où le carnaval est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "normalisation" et "réglementation", un jour, justement à Matamore, les petits pirates et les petites odalisques, les petits maîtres de salle et petites porte-bannières pourront tous onduler du croupion comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu'un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire de Vaval sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.

Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai à Zoulous.

Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un confetti d’espérance. Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie des gamelles de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie momesque. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de jouir ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où les enfants de Vaval pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle -"Mon pays c’est toi, douce terre de carnaval, c’est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil du pèlerin, au flanc de chaque montagne que tonne la corne de lambi du carnaval"- et si l’Archipel des Reliques doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi. Aussi faites tonner la corne de lambi du carnaval sur les prodigieux sommets du Bout du Monde à Part.
Faites-la tonner sur les puissantes montagnes du Singe Vénérable. Faites-la tonner sur les hauteurs de Morne Savon, sur l'île de l'Epée. Faites-la tonner sur les laves des soufrières endormies sous-marines au large de la Mer d'Entre-Deux-Morts. Faites-la tonner sur les falaises ondulantes de tarlatane rose de Souris Vertes. Mais cela ne suffit pas.

Faites-la tonner aux pieds des quenettiers. Faites-la tonner des champs de canne en fleurs aux bananeraies de l'île aux Masques. Faites-la tonner sur chaque ravine et chaque morne de Mercredi-des-Cendres, faites-la tonner à la source de chaque rivière.

Quand nous ferons en sorte que la corne de lambi du carnaval puisse tonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque île et sur chaque plage, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants de Vaval, les déguisés et les fardés, les jupes moustache à talons hauts et les odalisques, les masques à corne et les masques à la mort , pourront onduler de la croupe et chanter les paroles de la vieille "biguine" momesque : "Libres enfin. Libres enfin. Merci Vaval tout-puissant, nous voilà libres enfin."

25.4.07

Lorem Ipsum Dolor Sit Amet !

[Sebastião Silva - Festeiros]

La sonnerie "Aux Morts" composée en 1932 est devenue l'hymne du Royaume de Kalakata. Elle a bien sûr été tropicalisée et est devenue en 1953 sous la plume de Son Altesse Royale la Reine Charlotte-Zoulou III : Kalakata, la sangre altera ! Ce choix particulièrement judicieux passa pourtant presque inaperçu à l'époque et tout juste évoqua-t-on de façon subliminale le goût prononcé de la souveraine pour le rouge sang , couleur qu'elle portait comme une coulée de lave indéfectible du premier janvier au 31 décembre. Il est vrai que cet hymne fut choisi parmi d'autres sonneries aux morts à travers le monde comme Last Post, Taps ou Reveille et même le Chant des Partisans! Sa Majesté justifia ce choix par le fait que le carnaval était somme toute une petite mise à mort de la chair et qu'il fallait que tous ceux qui avaient au coeur l'amour du carnaval ainsi que des sentiments de reconnaissance envers ceux qui l'ont sauvé devaient par une sonnerie appropriée participer dans une même communauté de pensée. Tambours et clairons se mirent à l'ouvrage et "Kalakata, la sangre altera" est devenu le nec plus ultra des hymnes officiels de par le monde. La sonnerie "Aux Morts" est le prélude de tous les instants de la vie à Kalakata, de la naissance à la maladie, de la réussite à la défaite, clairons et tambours se mélangent et se confondent, dans un fleuve musical dont le sang chaud a dit-on le pouvoir de réveiller jusqu'aux morts. La sonnerie aux morts est rarement suivie d'une minute de silence comme il est d'usage de par le monde. A Kalakata c'est là que tout s'altère ! Il ne prélude qu'à une chose : la bacchanale !
La Reine Charlotte-Zoulou III , décidément en verve, décréta une nouvelle devise pour son royaume de poche. Pendant toute la durée de son règne la devise de Kalakata, qui jusqu'alors avait toujours été Paix, Pluie et Prospérité, devint Lorem Ipsum Dolor Sit Amet !

Anita Solar Smith y Sanchez Calvo

[Nezinho Duda - Praia]

Fantasque, foisonnante, dense, très dense, amoureuse, telle était Anita Solar Smith y Sanchez Calvo. Ses amours tumultueuses et singulières avec l'ex-prince Régent Ismaël avaient certes contribué à sa légende. Ne racontait-on pas, lors de ces messes basses qui consistent à raconter la vie d'autrui sous toutes les coutures, que cette femme possédait toutes les qualités et toutes les bassesses qui font qu'une femme est femme. Alors que d'autres avançaient leur corps comme une antre à exploiter, comme une carrière profonde riche en minéraux de tout type de tendresse, alors que d'autres encore avançaient leur chevelure comme un radeau de méduses charmeuses et envoutantes vous faisant la promesse de Charybe et de Sylla, la fantasque, foisonnante, dense, très dense, l'amoureuse, bavarde et passionnée Anita Solar Smith y Sanchez Calvo resplendissait par la beauté d'un Verbe tourbillonnant, fruit d'une combinaison privilégiée de thorax, larynx et cordes vocales...On raconte qu'au son de sa voix les pétales de rose pouvaient passer du jaune au carmin et vice-versa. C'était une voix venue du tréfonds de la terre. C'était une voix parfumée d'humus et de cailloux, et de restes de coléoptères décomposés. On y trouvait même des senteurs de libellule et une analyse plus fine au spectromètre aurait sans doute révélé dans cette voix chaude et profonde les traces d'embruns de la baie qui l'avait vu naître... A vrai dire nul ne savait vraiment d'où venait la fantasque, foisonnante, dense, très dense, l'amoureuse Anita Solar Smith y Sanchez Calvo ! Elle parlait parfois d'une baie, merveille des merveilles, cinquième au monde pour l'amplitude de ses marées, où les eaux n'étaient que soupirs, silences et bécarres et où on baptisait les bateaux avec du Champagne et non comme sur les Reliques avec du bon rhum agricole ! Elle parlait, elle parlait et quand elle parlait plus rien ne pouvait l'arrêter. Elle racontait alors la douceur de l'écume quand le flot est au jusant, ses yeux prenaient alors la forme de poissons volants aux ouïes phosphorescentes et si l'on ne détournait pas les yeux on serait sans doute emporté par le flot de ses contes, de ses racontages, de ses histoires. Jouez hautbois, résonnez musettes ! Certains croyaient savoir que l'étrangère était venue sur l'île pour noyer un grand chagrin d'amour. D'autres encore juraient qu'elle leur avait fait la confidence qu'au contraire elle avait atterri sur l'archipel par hasard alors qu'elle était à la recherche des traces de celle qui était à l'origine de son nom Anita, la grande actrice argentine Anita Campillo. Anita Campillo, actrice qui avait côtoyé aussi bien Gardel dans la comédie musicale Custa Abajo où elle jouait le rôle de Rosa que le Duke, John Wayne, dans l'Homme de l'Utah où elle jouait le rôle de Dolorès, Anita Campillo qui avait tant fasciné son père en 1934 dans la Croix et l'Epée qu'il avait jugé bon de lui transmettre ce prénom de star. Anita ! Anita ! Elle savait par coeur, à force d'avoir entendu son père les fredonner, Amor de estudante, Por tu boca roja, Criollita deci que si, Cuesta abajo et Mi Buenos Aires querido. Certains en vinrent à appeler Anita la Femme de l'Utah, ou la Dolorès et même Rosanita Gardel à cause de cette voix reconnaissable entre toutes. Ce qui est sûr est que l'actrice, quoi qu'elle s'en défende, menait grand train et faisait monter le mercure à des hauteurs insoupçonnées dans le baromètre intime de ceux qui eurent jamais le privilège de la côtoyer, aidée en cela par non seulement cette voix exceptionnelle mais aussi par un arrière-train au gabarit phénoménal, arrière-train si bavard lui aussi qu'il semblait déclamer à longueur d'année ce refrain : "La primavera, la sangre altera".

Un mois après son arrivée à Station Wolfork en 1952 à l'âge de dix-huit ans, elle décida de s'installer et d'y créer, soutenue en cela par l'ex-Prince Régent Ismaël, une compagnie théâtrale, la première qui ait jamais existé sur l'archipel, le Théâtre des Iles-Unies...

Quel Roi suis-je ?

[Clovis Junior : Dia da Cantoria]

Le premier acte pris par la Reine Charlotte-Zoulou III en Conseil Privé, lors de son accession au Trône en 1918, fut de créer une Fondation qu'elle baptisa Fondation Reine Charlotte pour la Promotion de l'Art Naïf.
La Reine Charlotte-Zoulou III, artiste naïve elle même et collectionneuse d'art naïf depuis sa plus tendre enfance, voulut marquer ainsi sa volonté farouche de placer son règne sous le pavillon des arts populaires. Afin d'encourager la production d'oeuvres de style naïf par les habitants des Reliques, elle instaura dès 1918 le premier Salon d'art naïf des Reliques, suivi en 1919 par la Biennale Naifs des Reliques dont le thème choisi fut "Quel roi suis-je ?". Le Salon comme la Biennale furent dotés de prix en tafias sonnants et trébuchants et les oeuvres acquises de la sorte contribuèrent à former un fonds si riche que dès 1930 on inaugurait à Kalakata le Musée Royal d'Art Naif dans ce qui avait été auparavant l'habitation Saint-Louis.
C'est aussi Sa Majesté qui inaugura dès 1919 le premier concours d'affiches carnavalesques qui fit dès lors partie du calendrier artistique des Reliques. Ces affiches sont elles aussi pieusement conservées par le Musée des Arts Carnavalesques qui se trouve à Station Wolfork.
C'est encore Sa Majesté qui codifia le carnaval des Reliques. Elle introduisit la figure du Roi Momo 1° et unique, en chair et en os, plutôt en chair puisque devant peser un minimum de 150 kilos sur la balance. Elle le fit accompagner de la Reine du Carnaval et du reste de la Famille Royale composée des princesses et du prince Héritier Ti-Momo. Une commission ad hoc fut installée pour procéder à l'élection au suffrage universel parmi les sujets de Sa Majesté de cette Famille Royale qui devait mener le Bal pendant toute une année aux quatre coins de l'archipel.
Pour pouvoir accéder à cette Famille Royale, les conditions furent draconiennes. Il s'agissait de s'adonner à des agapes fastueuses. Ainsi pour prétendre accéder à la magistrature suprême et devenir pendant 52 semaines Roi Momo 1° il fut décrété qu'un candidat, outre le fait de peser plus de 150 kilos et de savoir danser, devait pouvoir ingurgiter sans broncher au moins une bonne vingtaine de poulets boucanés et deux bons plateaux de pâtes, sans compter une kyrielle de verres de tafia à 55 degrés. Entre vomissements, diarrhées, pets malorodorants et appels au secours, on choisissait, entre baleines et cachalots, le sujet de Sa Majesté le plus obèse. Plus il suait comme un cochon, plus il portait avec élégance ses 200 kilos de graisse et plus il avait la chance d'être élu. Alors de "Bouche d'égout" de "Margelle de puits" ou de "Sucette du Vésuve" l'heureux élu en ceignant sa couronne se transformait en Roi Momo 1° et unique, en chair et en os. On en connut même des gens dont le rêve était d'arriver à 200 kilos rien que pour pouvoir poser leur candidature au poste de Roi Momo 1°.
Pour les enfants on institua la figure du Prince Héritier Ti-Momo qui lui aussi devait représenter la Royauté dans toute sa splendeur. Ti-Momo devait pouvoir à 7 ans avaler ses 4 poulets, savoir danser comme il fallait et faire preuve de dignité même sous une pluie diluvienne...
Quant à la Reine et ses princesses elles durent par arrêté du Conseil privé du Royaume peser le même poids et avoir la même taille que leur souveraine Charlotte-Zoulou III. Ce ne fut pas facile car la Reine Charlotte était d'un gabarit qui imposait le respect, une géante de 1m91 qui pesait ses 125 kilos et qui après un règne de 48 ans jusqu'à sa mort le 16 décembre 1965 conserverait ce poids royal.
Lors de la première épreuve de sélection au mois de janvier 1919 l'histoire raconte que le cuisinier en chef du banquet dut faire appel à 4200 cochons de lait et 2100 poulets....Aussi fut-il décidé pour les funérailles en grandes pompes de Sa majesté la Reine Charlotte-Zoulou III d'abattre exactement le même nombre de cochons de lait et de poulets. Le jour de l'enterrement tous ceux des 48 Momos, toutes celles des 48 Reines du carnaval qu'elle avait intronisés, les 96 princesses de sang qu'elle avait couronnées et les 48 Mominhos qu'elle avaient pris à bout de bras, tous ceux d'entre eux qui étaient encore vivants, et ils étaient encore pléthore tant la fête conserve, se firent un devoir de l'accompagner en procession jusqu'à sa demeure finale. On fit apposer une plaque sur son caveau qui disait ceci : "Ici repose notre soeur de sang et de chair Charlotte-Zoulou III, reine de Kalakata et impératrice du Carnaval. Signé Roi Momo 1° et Unique"
Des gerbes de fleurs blanches furent déposées sur son caveau mais dès le lendemain elles disparurent pour laisser place à un cochon de lait et un poulet boucanés déposés sur une assiette avec un verre et une bouteille de rhum...
Depuis le 16 décembre 1965, tous les seize du mois, un sujet de Feue Sa Majesté Charlotte-Zoulou III continue par delà l'au-delà à satisfaire la gourmandise de sa souveraine....