16.12.08

L'apocalypse selon le Grand Margouillat




"Ouvre les barrières, Margouillat, pour que je passe !" se contenta de murmurer l'apparition. Elle était entourée de serviteurs zélés, au beau milieu du Carrefour Feuilles, tous l'abritant sous un parapluie géant.
"C'est sûrement Baron-Yeux-Rouges", pensai-je, le voyant escorté par la Grande Frida, toute étincelante de langueur, les lèvres maculées de farine de manioc. Il pleuvait, me semblait-il, j'écarquillais les yeux car la lumière était troublante. J'allais être chevauché, je le savais, je ne serais plus qu'un cheval hennissant devant l'au-dela. Je vis tomber en gouttes fines de pluie trois coqs rouges, cinq coqs gris, deux coqs blancs, seize grains de maïs blanc, seize pigeons blancs, trois chèvres à la barbichette soignée, deux gros sacs de farine et trois kilos de café moulu, un cochon d'inde, quatre ou cinq grains de riz, un panier tout plein de racine feuilles des Grands Bois, une bouteille de bière bien fraîche, un tonneau à moitié vide de tafia et six bassines oranges de sang à peine coagulé, je vis une lame trancher un cou et le sang d'un poulet bigarré sacrifié gicler en arc-en-ciel.
"Marinette-bois-séchés , fis-je, arrivant à peine à articuler, viens à mon secours. Sors-moi de cette ferraille".