16.12.08

L'apocalypse selon le Grand Margouillat




"Ouvre les barrières, Margouillat, pour que je passe !" se contenta de murmurer l'apparition. Elle était entourée de serviteurs zélés, au beau milieu du Carrefour Feuilles, tous l'abritant sous un parapluie géant.
"C'est sûrement Baron-Yeux-Rouges", pensai-je, le voyant escorté par la Grande Frida, toute étincelante de langueur, les lèvres maculées de farine de manioc. Il pleuvait, me semblait-il, j'écarquillais les yeux car la lumière était troublante. J'allais être chevauché, je le savais, je ne serais plus qu'un cheval hennissant devant l'au-dela. Je vis tomber en gouttes fines de pluie trois coqs rouges, cinq coqs gris, deux coqs blancs, seize grains de maïs blanc, seize pigeons blancs, trois chèvres à la barbichette soignée, deux gros sacs de farine et trois kilos de café moulu, un cochon d'inde, quatre ou cinq grains de riz, un panier tout plein de racine feuilles des Grands Bois, une bouteille de bière bien fraîche, un tonneau à moitié vide de tafia et six bassines oranges de sang à peine coagulé, je vis une lame trancher un cou et le sang d'un poulet bigarré sacrifié gicler en arc-en-ciel.
"Marinette-bois-séchés , fis-je, arrivant à peine à articuler, viens à mon secours. Sors-moi de cette ferraille".

27.11.08

La Genèse de l'Archipel des Reliques

Selon ce que l'on a pu déchiffrer sur les roches gravées que l'on trouve à tout bout de champ sur les nombreuses îles de l'archipel, au début, au commencement de tout, à la racine carrée de nos latitudes et longitudes, à l'on ne sait quelle abscisse ni quelle ordonnée, tout n'était que rhizomes. Rhizomes entrelacés de si douce manière qu'à l'oeil nu personne n'aurait pu distinguer une racine de l'autre, une liane d'une autre, un bourgeon d'un autre. Tout n'était que rhizome, vous dis-je ! Rhizome ! Rhizome derrière rhizome, rhizome après rhizome, rhizome sur rhizome, rhisome sous, rhizome au milieu, rhizome aux trois-quarts, au tiers et à la totalité ! Une gigantesque queue-leu-leu de rhizome ! Ce monde sans microbe, d'éternelle pureté chaque jour redéfinie, bien avant le fruit à pain, les Anciens s'en réfèrent comme un monde archaïque, une ère sans soleil qu'ils nommèrent bien plus tard Matété.
Pour vous imaginer Matété aux temps de la Genèse, imaginez une purée difforme, une purée babélienne d'ignames de toutes les couleurs et de tous les clans, igname rouge, verte, blanche, noire, lilas, rose, grise, jaune, igname enabba, igname pacala, igname plimbite, igname pyramide, igname saint-catherine, igname pousse-en-l'air, igname belep, igname oriental, igname saint-vincent, igname de tasmanie, igname de toutes tribus, assaisonnée de crabes de toutes espèces et de toutes langues. Ainsi était Matété, le premier univers qui survécut aux tremblements de terre, éruptions et autres douceurs qui ébranlèrent l'Arrière-Monde.
Combien de temps dura Matété ? Nul ne le sait vraiment mais de récentes datations au carbone 14 le dissocient clairement de Maglouglou, la seconde ère, l'ère prolifique qui vit l'avènement sur l'archipel de l'igname rouge, symbole du sang des morts, symbole de la lutte que les dieux et les morts ménent inlassablement dans leur monde sous-marin. Cette igname avait toujours cohabité pacifiquement avec ses congénaires mais il semblerait qu'une modification dans son système de synthèse l'ait rendu soudain vénéneuse et les autres qualités d'igname rapidement se mirent à dépérir en présence de la diablesse. Devant les autres lignées d'ignames désormais immangeables on invoqua alors sortilèges, maléfices et bientôt ce ne fut que disette et désolation.
Les roches gravées racontent ainsi l'apparition d'une igname rouge aux dimensions faramineuses : on la nomma Kanbar, ce qui veut dire selon les experts Roi des Rois: deux mètres de long et cinquante centimètres de circonférence pour un poids de cinquante kilos sur la balance. Le même jour qu'apparut cette igname nouvelle, apparurent dans l'ordre le cyclone, le sable, le vent, la pluie, la lune. S'il faut en croire les roches gravées, l'événement majeur de notre création aurait eu lieu à la lune de mars, à la constellation des Pléiades.
Maglouglou 1er car c'est ainsi qu'il devait passer à la postérité est notre ancêtre à tous, l'igname de référence, le légume-racine par où transitent les fastes et les défaites, les songes et les mensonges, l'igname des prémices par excellence.
Maglouglou 1er nul ne sait s'il était mâle, s'il était femelle ou simplement hermaphrodite, mais il fut le premier. Il s'autoproclama illico presto souverain plénipotentiaire et sut s'entourer d'ignames de toutes castes et de toutes qualités à qui il refusa seulement de s'implanter sur l'île sacrée des Nombrils, lieu de pélerinage obligatoire qui lui fut d'office attribué. Il est vrai que l'île aux Nombrils était des plus fertiles avec un sol sablonneux propre à la culture de l'igname vorace de profondeurs et déjá étaient apparus des crabes de toutes engeances qui aéraient constamment la terre, la rendant si meuble, que l'igname rouge proliférait, proliférait, n'ayant pas en outre de prédateur attitré, de charognard invétéré pour le gêner dans ses prétentions.
Les autres espèces et variétés colonisèrent l'archipel. Il y eut ainsi à l'apogée de Maglouglou jusque 53 000 espèces d'ignames sur l'archipel.
On dénombra ainsi des ignames à rats, des ignames du pays, des ignames cochon, des ignames de deuxième qualité come l'igname wacacatuma, watronga, wakalikali, l'igname waetha, l'igname bilehe et enfin des ignames de troisième qualité comme l'igname hmarerum. Aucune ne pouvait rivaliser avec Kanbar, Roi des Rois, tant elle était parfumée des quatre vents de l'archipel, on y retrouvait l'amertume des lianes et du varech, la tendresse des vagues quand elle lèchent l'estran, et un infinitésimal soupçon d'odeur de charogne, bref elle était unique et irremplaçable.

26.11.08

La fabrication de l'élixir d'igname rouge



La fabrication à partir du faux sagou de l'élixir d'igname rouge, autrefois nommé Elixir des Gueux et qui guérissait jusqu'à la syphillis, est gardée secrète depuis des millénaires. Ce que l'on sait plus ou moins c'est qu'il faut pour le fabriquer de l'igname rouge que l'on fait cuire à la vapeur. On en tire une fécule rosâtre qu'on laisse séjourner une nuit dans l'eau avant de la coloniser ensuite par l'inoculation de quelques champignons aspergillus pendant deux jours à 37 degrés jusqu'à obtenir un moût que l'on va laisser fermenter après addition d'une solution d'amidon et de levure pour que se produise une saccharification et une fermentation. Après le deuxième moût, le filtrat est distillé. Le rendement est d'environ huit cent litres par tonne d'igname. Vient ensuite l'affinage qui peut prendre entre 3 et 6 mois.

17.11.08

La peau morte

le champignon provoque une pourriture
du tubercule de couleur brun-orangé qualifiée de “peau
morte”. La pourriture se développe dans la chair du
tubercule juste sous la couche ou peau liégeuse. De petites
boursouflures naissent à la surface de l’igname et la peau
se détache facilement de la couche inférieure. Par la suite,
une pourriture plus profonde se développe, jusqu’à ce qu’il
ne reste plus qu’une enveloppe ridée autour du noyau
pourri.

Quantos effundit in usus !


L'igname des Reliques (dioscorea kalakata) ou Igname des Gueux est une plante dioïque, c'est-à-dire que parmi ses pieds les uns ne produisent que des fleurs mâles tandis que les autres ne produisent que des fleurs femelles. Malgré cet handicap cette espèce d'igname est douée de nombreux moyens de reproduction. On le fait se multiplier par ses graines, bouturage, par plantation des bulbes aériens qui se développent à l'aisselle des feuilles, par plantation des bulbes terrestres, par la plantation de ses longs rhisomes entiers ou divisés en courts tronçons. Ses tiges grêles, couchées sur la terre, légèrement recouvertes ou même divisées en minces fragments, portant chacune seulement une feuille, peuvent s'enraciner aisément dans un terrain léger. Les fruits, succédant à de petites fleurs blanches, verdâtres ou pourprées, selon les variétés, disposées en grappes ou en épis, sont des capsules à trois loges contenant chacune deux graines. L'archipel ne produit pas de tubercules vénéneux et est notoirement propice à cette culture puisque son sous-sol possède une couche végétale de plus de 20 mètres. Indispensable pour une plante dont la tendance énergique des rhizomes souterrains est de s'enfoncer verticalement et profondément dans le sol. Si un corps dur, impénétrable, se dresse sur le passage du rhizome, celui-ci le contourne ou s'insinue dans la fissure, enfin si tout passage est exclus, si tout est complètement intercepté, il s'aplatit, s'étend et bifurque, allant jusqu'à former un tubercule digité. Mais quel que soit le cas il garde sa composition féculente et sa qualité nutritive.
Dioscorea Kalakata est plantée pour favoriser sa récolte selon des rites ancestraux sous des monticules de terre, des buttes qu'il n'y a plus qu'à renverser pour récolter les ignames. Dioscorea Kalakata est une plante sacrée qui ne pousse que sur l'île aux Nombrils, paradis des crabes rouges et des cocotiers. Une coûtume consiste à enterrer son placenta aux abords du littoral et planter dessus un cocotier pour éviter que certains esprits mal intentionnés ne pénètrent cette partie d'organe vivant plein de sang. En échange d'un peu de tranquillité on sacrifiera deux ou trois cordes de crabes, voire une bonne corbeille de crabes cuits bien rouges, couleur de sang, en offrande aux dieux. Malheur à celui qui oublie ou dédaigne se dédouaner. Il lui arrivera peut-être ce qui arriva à Krishna Malanga qui allant cueillir son coco arrivé à maturité fut tout surpris de ne trouver que du sang dans le coeur de la noix de coco au lieu de l'eau de coco tant espérée. Krishna Malanga , dans le domaine de la ritualité funéraire, était un homme-orchestre à lui tout seul: il était tour à tour frappeur de cercueils et savait comme personne monter leur ossature en bois, laqueur et pouvait revêtir chacun de ses meubles des résines les plus secrètes de l'île, mais il était aussi habilleur de toutes sortes de qualités de bières et de bocks qui pouvaient aussi bien être des lits, que de petites caisses, voire des valises ou des aquariums avec crique. Il était aussi zingueur, décorateur funéraire et chauffeur de corbillard quand ce n'était pas démarcheur.
Mais notre homme était pingre, de la pire race des pingres. Et voici comment il finit par payer cette pingrerie car les esprits ne jouent pas... les Esprits ne jouent jamais, vous savez ! Quand les Esprits ont décidé de frapper, ils frappent... Ils ne crient ni gare ni guerre ni Lagardère, ne demandent ni gîte, ni couvert. Ils tombent sur vous, un point c'est tout et alors vous pouvez toujours recommander à la va-vite votre âme et votre gamme à la bonne volonté du Seigneur, il n'y a plus rien à faire... Vous êtes mûrs pour les galères, mon pauvre ami. Vous êtes instantanément dégradés, reduits à la substantifique poussière. Votre moëlle devient couenne, votre cervelle part en friche. Il pensa immédiatement à son épouse Avémaria qui attendait calmement de mettre bas leur premier rejeton. Krishna eut une vision et se mit à courir comme une déradé vers l'ancrage dans la mer où se trouvait son casier de crabes. Un requin-esprit qui croisait par là lui barra le passage et lui donna tout tranquillement deux coups de mâchoires fines comme des rasoirs de barbier qui lui sectionnèrent dans une frappe chirurgicale la jambe juste au-dessous du genou droit. Ainsi se vengent les esprits sans faire de bruit... Tout tranquillement.
Et c'est tout naturellement qu'on enregistre la présence sur cette île d'un rhizome présentant lui aussi une chair couleur de sang, ce qui loin de le rendre immangeable est sur l'archipel des Reliques le mets le plus exquis pendant les quatre saisons de l'igname. On ne cesse du monde entier de s'extasier devant la belle couleur rosâtre de sa chair sous l'écorce violet foncé dont on doit laver la fécule dans plus de sept eaux avant d'en tirer le faux sagou.
Les officiants chargés de la plantation et de la récolte de cette igname réputée pour ses pouvoirs magiques sont les responsables de la fabrication du tafia d'igname ou thé d'igname, le fameux chaud-chou, alcool distillé à base d'igname et titrant à 50 degrés. C'était autrefois la boisson des gueux, des vagabonds, et le meilleur des désinfectants, une eau de Cologne rose, aux ingrédients jalousement gardés de père en fils par une famille dévote de Saint Henri, saint patron de l'igname.

10.11.08

D'où l'Evangile selon Jaguar tire sa racine ?



Les Anciens des Reliques racontent volontiers au détour d'un verre de tafia qu'Entre-Deux-Morts se situe entre le crépuscule et le ciel et que le premier bougre reliquois était en vérité un pied d'igname-liane qui avait échoué sur les rivages originels de ce qu'on appelait alors l'île Chapelle, et qui porte depuis des siècles l'appellation contrôlée île aux Ignames. Ce bougre primordial archaïque, cet Igname-liane originel qui se fit appeler Ochan ce qui en Reliquois moderne se traduit par : Fils d'igname, ce sont des ignames. Par la suite pour brouiller les fils d'igname et de liane de sa naissance Ochan écrivit notamment: 'Nous sommes une plante, non point terrestre, non point céleste, mais du Tout-Monde'.
Par la suite les Ignames-lianes se greffèrent par bouturage ou marcottage à des Mangues-fils, pour donner naissance à des mangues-ignames, des mangues-lianes, des ignames-fils et des lianes-fils, puis les hasards et miracles de la pollinisation par abeilles et chauves-souris engendrèrent mangues-abeilles et ignames-souris.
Nos ancêtres Ignames-Lianes, donc, ne fonctionnaient pas avec l'entre-deux, le ciel et la terre, ni avec l'entre-quatre, le ciel, la terre, les dieux immortels et les hommes mortels. Non, nos ancêtres Ignames-Lianes se disaient OChan, ils étaient des prototypes à la fois consécutivement et parallèlement et intrinsèquement l'envers et son contraire, tous unis dans la même miscigénation. Au gré des concubinages, des avortements et des fécondations, de mutations spontanées ou provoquées, ils devenaient chaque jour plus résistants au rhum jusqu'au jour où surgit le premier bancoulélé et où l'on découvrit qu'on était la foudre, l'on découvrit que la foudre, que l'éclair, que le tonnerre, que le cyclone, que les mangues-lianes, que les mangues-ignames, lianes-fils, lianes-ignames, mangues-abeilles, ignames-souris avaient la même senteur vigoureuse de l'igname sauvage quand il fleurit, l'été, au soir, les racines immergées aux nuages...
Leur archipel devient une infime partie du Tout-Monde, et au même moment elle était le Tout-Monde. Leurs racines étaient rhizomes, et répandaient aux confins du Tout-Monde l'odeur de fauve du Jaguar...
Elles le sillonnèrent alors, ce brave Tout-Monde, en long en large et en quinconces, le creusèrent par tous les moyens possibles et imaginables, d'Atlantide en Mésopotamie, d'Hyperborée en Himalaya, d'Egée en cordillère des Andes sans oublier l'immense plateau central africain, et devant l'évidence que partout ce n'étaient qu'ignames à sept racines ils rebaptisèrent Ochan Jaguar, se nommèrent Equitumans, puis Tumuchis avant de devenir au seixième siècle, avec l'arrivée du Père Flèche Blanche Reliquois...

2.11.08

Bancoulélé


Bancoulélé, Bancoulélé, la seule évocation de Bancoulélé plonge le commun des mortels de l'Archipel des Reliques dans des borborygmes sans nom. Les figures se décomposent, les systèmes digestifs traumatisés ne savent où donner de la transe. Oui vous verrez bien quelques rabat-joie empoisonneurs, munis de leur chasse-mouches, amateurs de babillages, de persiflage et de manger cochon vous dire que c'est Bancoulélé qui est la raison pour laquelle l'île se retrouve concombre sans graines, que c'est  Bancoulélé, qui est à lui seul la cause de tous les maux sur l'archipel, que c'est la manifestation la plus visible de l'ange déchu, que Bancoulélé c'est plus que sorcellerie c'est extrême sorcellerie comme on dit extrême onction et que c'est presque 65 pour cent du taux des naissances avant terme, que Bancoulélé c'est le grand Décalotteur de l'homme et tant de semblables vilénies, mais sans Bancoulélé, les îles ne seraient ni plus ni moins que des confettis de lave sur une mer sans fin. C'est Bancoulélé qui apporte à ces îles leur légitimité, leur voracité de vivre, leur soif de reconstuire. Qu'on soit crabe cirique, raisinier de mer ou défricheur de la rosée, qu'on soit bleu ou blème, mangue mûre ou sûre, on meurt d'impatience dans l'attente de l'arrivée de Bancoulélé.
Certains pour se protéger de Bancoulélé font appel à d'étranges pratiques comme placer sous leur sommier un bol de vin d'igname avec une fourchette pendant au-dessus. D'autres pour s'attirer les faveurs des saints tutélaires de Bancoulélé placent au carrefour des routes leurs offrandes, ici une bouteille de mousseux trône sous un fromager comme l'hydromel dans son amphore, là un plat fêté de ragoût de gombo avec de la crème de cacahuètes et de noix de cajou, là encore un gobelet de popcorn, plus loin une caisse de rhum que nul ne s'aviserait de dérober. Chacun y va de sa contribution, il s'agit de régler au mieux ses honoraires au Grand Nettoyeur qui à l'issue de sa période de viduité vient à nouveau faire le ménage, vient arbitrer moyennant épices et force ignames, sa nourriture par excellence avec pour seul condiment le sel de cendres. Et si l'igname fait défaut, prenez garde car le Grand Raton Laveur ne se laisse pas amadouer par des mets de substitutions aussi royaux fussent-ils que le maïs, le malanga ou les cacahuètes. Car sans igname, pas de vin d'igname et sans vin d'igname versé dans les fosses libatoires pas moyen d'intercéder auprès du Vorace et de plaider une réduction de fracture. Sans vin d'igname pas moyen, l'affaire est grave, on ne peut pas tergiverser, c'est la famine, c'est la sécheresse, c'est la calamité et la période de soudure se fait période de saumure. Offrez viandes sacrificielles, offrez coq de bruyère, offrez pois du bois, offrez farine de manioc revenue dans l'huile de palme, rien n'y fera, sans la présence du précieux tubercule. Vous ne ferez que courroucer encore plus l'Affamé...
Le premier Bancoulélé se produit généralement au mois d'août et le dernier en novembre. De sages experts sont nommés par le gouvernement des Iles Unies des Reliques pour tenter de savoir quand aura lieu la festivité apocalyptique mais Bancoulélé a la floraison erratique et capricieuse et n'avise personne de son parcours de disette. Il aime se faire attendre. Parfois il point tout au bord de l'archipel puis décide d'aller semer sa gourme de plants stériles ailleurs dans un grand virement d'humeur. Alors les îles en chaleur, les unes après les autres, se font insinuantes, accueillantes, caressantes, voluptueuses chattes sur une mer brûlante que le Vandale va ensemencer.
Quand enfin il se résout à pénétrer l'espace reliquois, on se signe tout un chacun du signe de la croix, signe que le Nouvel An vient de commencer.......

14.10.08

Les mille et unes appellations du Perseguido

Ici on a affaire au persécuté, là au poursuivi, là encore au pourchassé, mais ce ne sont là que les mille facettes, dont aucune superposable, toutes distinctes de Bélisaire Miguel, aka Perseguido.
Mais quel est diantre cet animal, cette chose, ce concept, cet être, que sais-je, si recherché ?
Permettez que je vous laisse moisir encore quelques millénaires dans la non-volupté de la non-connaissance. Et pour vous mieux faire patienter laissez-moi vous conter l'incroyable aventure de feue chienne Daykott, terrier tibétain, au pelage immaculé que jamais tique de Karapata ne colonisa.
Je vous épargnerai mes didascalies absurdes car à quoi bon vous servirait postfaces, préfaces, épigraphes, notes marginales, infrapaginales et terminales, tables de matières, avertissements, titres, sous-titres ou intertitres mais sachez cependant que Daykott, Dieu l'ait en sa sainte protection dans le paradis canin, fut la seule entité physique qui se présenta aux obsèques sommaires de Bélisaire Miguel, joueur de musique, comme il se présentait lui-même par gestes et force cris, puisque le concertiste était sourd-muet de naissance...
Et pourtant, cet homme, né sur l'île de l'Epée, devait à lui seul réviolutionner l'histoire de la musique. On lui doit par exemple la découverte du son pi, la note bleue, la neuvième note dont aucun entendant n'avait ouï dire depuis des millénaires. Cet homme chétif sut à lui seul capter ce son que l'univers entier méconnaissait

10.10.08

Rites funéraires de Kalakata

A la mort d'un guerrier de Kalakata, son corps était embaumé puis jeté à la mer, à partir d'un navire avec tous ses biens. Si c'était un guerrier d'importance, le rituel était un peu plus élaboré. Le plus commun était le sacrifice de chevaux, vaches et chiens - dont les corps étaient écartelés et jetés dans le navire, ensemble avec le corps du défunt. Et les sacrifices ne s'arrêtaient pas lá. On demandait aux femmes de familles de serfs et d'esclaves qui aimerait s'unir au mort pour son dernier voyage. La volontaire était richement vêtue pomponnée et délicieuse parfumée, et devait participer à une fête arrosée où rien ne devait manquer ni victuailles ni boissons. Après le civet il était de bon ton de forniquer en long et en large avec tous les guerriers présents. A la fin du rituel, celle qu'on appelait désormais la Viking allait jusqu'au navire oùi l'attendait son destin: être étranglée par deux guerriers, tandis qu'une autre femme, nommée ange de la mort, lui transperçait les côtes de sa dague effilée. On incendiait alors le navire qui était lancé à la mer

2.9.08

Pour réussir un beau portrait de mariage

Choisir un cadre
De préférence panoramique
Y jeter du riz jauni au safran
Et des pétales de rose bien rouges
Et souffler dessus pour imiter la brise
Inviter quelques ramiers blancs à venir voleter au-dessus du cadre...

Choisir un monument
A la perspective irréprochable
L'idéal est qu'il y ait des marches interminables
Prier pour qu'il ne pleuve pas
L'idéal étant le Sacré-Coeur

Y placer les mariés et faire sa photo.

Si vous arrivez à transmettre sur la photo les battements de coeur et les coups de cloche qui résonnent, la nuit de noces à venir et les premiers émois de la rencontre
Alors bravo
Vous pouvez sourire
C'est signe que la photo est réussie et vous pouvez vous offrir...
Une ou deux dragées, un petit four et un verre de Champagne...
Ne signez surtout pas !
Votre signature viendra naturellement
Imprimer sa marque d'eau sur la noce...

31.8.08

La bibliothèque personnelle d´Hosanna Buccin

Hosanna Buccin est sans doute l'un des plus grands esprits de l'Archipel des Iles-Unies des Reliques. Personne ne songerait à disputer ce titre, amplement mérité, à cette grande carcasse débonnaire. N'a-t-il pas été en effet réélu sept fois président de l'Harmonie Municipale ? Et à l'unanimité, souvenez-vous ! N'a-t-il pas dès sa plus tendre jeunesse caboté sous tous les horizons de ce vaste monde avant de se fixer une fois pour toutes jusqu'au prochain départ ? N'a-t-il pas résisté aux avances de plusieurs milliardaires des quatre coins de la planète désireux d'acquérir le buccin légué par son père à l'âge de sept ans, buccin de facture lyonnaise, signé François Sautermeister, arrivé par on ne sait bien quel alizé sur nos terres tropicales ?
Et pourtant sa bibliothèque ne comportait à l'âge de 55 ans que 56 livres. Tous les élèves de l'archipel savent le nom du premier et du second livre que lui a offert son père, l'un à la naissance, l'autre à l'âge de un an, ce que l'on sait moins, c'est la suite, les 54 autres. En voici la liste, en vrac :
Virgile, L'Enéide
L'Abbé Leleu : Voyages aux Isles. Chronique aventurière des Reliques
Compère Zamba et les quarante voleurs
De Kalakata à Indigo
Kalakata, le héros sans aucun caractère
La Vie des Fourmis Rouges
Délices au pays des merveilles
Les Iles et une nuit
Les recettes de Séraphin Boucan
Recueil des 44 prières pour les necessités de la vie
Les Proverbes de Salomon, fils de David, roi d'Israël, traduits en reliquois avec une explication tirée des Saints Pères et des Auteurs Ecclésiastiques, avec approbation et privilège de Sa Majesté
Contes et Légendes des Reliques
Ainsi parla Kalakata
Lettres Reliquoises
Dictionnaire latin-reliquois et reliquois-latin
Grammaire comparée des langues reliquoises. Eléments de phonétique, de phonologie et de syntaxe

Hosanna Buccin, candidat



Pour une grande gueule, c'etait une grande gueule, une bouche aux allures de pavillon à l'antique, il fallait le voir asséner ses édits à coups de legato, glissando et détachés. C'est une honte ! par ci.... C'est un scandale ! par lá...Frapper des poings sur la table ! Rouler des yeux comme le tonnerre ! D'aucuns lui prédisaient une carrière fulminante, des arcs-en-ciel d'électeurs prêts à mouiller leur chemise pour le voir s'installer dans le fauteuil de maire au minimum, avant de briguer à de plus hautes fonctions électives, sénateur, député, président, tout lui semblait promis. Il ne se passait pas de matinée sans que ne vienne frapper à sa porte toutes sortes de caporaux prêts à défendre ses couleurs dans les moindres alléees, contre-allées, faubourgs de la ville. mais monsieur refusait de s'engager avec cette fausse pudeur de jeune fille effarouchée, ah non moi je ne fais pas de politique.... Je suis là pour dénoncer, signaler, lancer le débat politique....Hosanna, au plus haut des cieux ! Imaginez l'affiche électorale que ça ferait ! Hosanna Buccin, in Exelcis Deo. Nom prédestiné que celui d'Hosanna dont la trajectoire tenait proprement du miracle... Ecoutez moi ça...Le jour de sa naissance son père, Ednard Mussurunga, cuisinier de son état, joueur de buccin à l'Harmonie Municipale, lui avait concocté non pas un poème mais un hymne tout entier intitulé Hosanna qu'il fit jouer avant même que la marmaille eût tété une goutte de lait par ses collègues de l'harmonie devant les grilles de l'hôpital Saint Hyacinthe. En voici la texture visionnaire telle qu'elle apparut alors aux oreilles ébahies des passants sous la voix de la cantatrice Ynaé Ménipée:

Dans le diadème de la Patrie adorée,
Comme un joyau brillant gracile,
HOSANNA sera vénéré
Pour l'honneur de notre île.

Choeur
Au travail, à la lutte géante,
A la conquête suprême du bien,
Toujours unis marchons de l'avant
Que la victoire vienne vite.

Et chantons avec ardeur,
Sous le ciel printanier,
Hosana Hosanna,
Aux Reliques et à Kalakata.

II
Dans la douce plaine ondulante,
Humectée d'une brise subtile,
Si distante, flamboyante et constante
Dévouée à l'amour des Reliques.

Choeur


III
De Kalakata tu seras la fille célébrée
Qui auras le plus de lauriers au front,
Car tes fils te feront fière,
Du travail que le progrès amènera

Choeur

IV
Du chemin sûr, confiante
Du progrès qui nous enlace de sa fièvre,
Tu marches, hautaine, tu chantes,
La gloire de nos RELIQUES.

Choeur

On ne sait comment par quel miracle le nom Buccin vint aterrir dans la vie d'Hosanna. Car il naquit Mussurunga, et c'est sous ce vocable qu'il fut enregistré dans les registres, plus exactement sous le nom d' Hosanna Excelsis Mussurunga. Le propre Hosanna avait quant à lui une version qui différait selon l'humeur du moment, qu'il se sente d'humeur cuisinière ou d'humeur musicale.
N'allez pas croire que notre bougre était un mollusque à la chair coriace ! Que nenni ! Le seul petit travers qu'on lui ait jamais connu fut le fait de ne lire en tout et pour tout qu'un livre par an, pour avoir justement le temps de le lire en long en large en diagonale en abcisse et en ordonnée. Un livre par an acheté le jour de son anniversaire pour maintenir une tradition installée par son père qui le jour de sa naissance lui offrit, avant même que ses yeux fussent en capacité de voir la différence entre potron-minet et crépuscule, son premier livre de lecture. Pas un vulgaire abécédaire illustré, non, pas un vulgaire livre de contes et légendes du monde entier, non. Le premier livre qui lui fut offert fut un livre de cuisine, quoi de plus naturel venant d'un cuisinier et pas n'importe lequel, messieurs dames, un livre de cuisine française et en français, s'il vous plaît, dans la langue de Gargantua, comme se plaisait à se souvenir son père de nombreuses décennies après chaque fois qu'on l'interrogeait sur les tenants et les aboutissants de cette étrange manie de ce fils si lettré qui ne lisait qu'un livre par an.
L'ouvrage en question, une édition utile pour les familles revue, corrigée et augmentée avec des figures qui ferait sans doute du petit Hosanna un cuisinier des rois, un roi des cuisiniers, avait pour titre : Le cuisinier royal et bourgeois qui apprend à ordonner toute sorte de repas en gras et en maigre, de la meilleure manière des ragoûts les plus délicats et les plus à la mode. Tout un programme ! Son auteur François Massialot n'était rien de moins qu'un cuisinier proche du Roi-Soleil, imaginez.
Avec un tel baptême de lecture on ferait de cet enfant, avec la grâce de Dieu, un maître d'hôtel, un sommelier, un confiseur, bref un officier de bouche qui saurait mieux que quiconque vous expliquer les subtilités sinon les secrets de l'hypocras ou de l'eau de la reine de Hongrie.
Néanmoins pour mettre toutes les chances du côté de ce rejeton, car on ne doit jamais mettre tous ses oeufs dans le même panier, et qu'il est des fois où les oeufs tant espérés n'éclosent pas ou sont voilés, non moins désireux de le voir entamer une carrière parallèle de joueur de buccin, le père visionnaire lui offrit pour son anniversaire, un premier septembre, la Méthode Complète de Trombone, en trois volumes, oeuvre d'un éminent membre du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, le regretté André Lafosse. Le jour de ses sept ans le fils prodige allait hériter de ce prodigieux instrument, un buccin, fait par l'un des plus grands facteurs de buccin, un buccin fait à Lyon, capitale des Gaules, un buccin terminé comme il se doit par une tête de serpent. Pas un vulgaire Jean-Baptiste Tabard, pas un Dubois-Couturier, ni même un Guichard de Paris, le buccin d'Hosanna père était un authentique François Sautermeister, ni plus ni moins, un instrument de légende. C'était d'ailleurs le seul et unique spécimen de l'archipel et du monde entier parvenaient des missives de colectionneurs, des télégrammes de musées, des offres de spécialistes dans toutes les langues du monde, toutes plus mirobolantes les unes que les autres prêtes à le couvrir d'or en échange du précieux trombone d'orchestre militaire dont la langue de serpent frétillait au fur et à mesure qu'on jouait. Mais notre homme était inflexible: - Comment je vais jouer mes Kyrié, comment je vais jouer mes Resurrexit ? Car sans sa messe solennelle, Hosanna père n'était rien. Il ne jurait que par elle, ne vivait que pour elle, matin, midi, soir , dès qu'un moment la cuisine lui laissait um moment d'oisiveté, il se saisissait de l'embouchure son buccin, y plaquait ses doubles lèvres, positionnait la coulisse et faisait son interprétation toute personnelle d'Hector Berlioz. D'ailleurs son premier geste le matin, n'´était-il pas de lustrer l'animal comme on caresse la croupe généreuse d'une femme que l'on quitte à regret. Non jamais il ne se séparerait de l'instrument. Seul son fils en hériterait, avait-il décidé, à l'âge de raison.

21.7.08

Vivificat ! La lettre occit, l'esprit vivifie


Du haut de son pupître de bois polychrome, dominant l'assemblée des brebis égarées ou fidèles, le prédicateur tel saint Paul prêche à la paroisse des Pardons. Vivificat, crie-t-il. Vivificat ! La lettre occit, l'esprit vivifie !
C'est alors que dans l'assemblée, quelqu'un s'avise, on ne sait dans quel but, de compter les dents de l'homme de dieu. Mais on ne compte pas les dents d'un précheur comme on compte les moutons. De plus la distance est grande, on risque de se tromper. Mais notre homme insiste. Pour quelle raison, nul ne le sait. Il veut savoir le nombre des dents du prédicateur. Un point c'est tout.
Le prédicateur dit :
"La lettre occit, l’esprit vivifie."
Le lecteur de dents se signe.
Le prédicateur continue:

"Cadmus ayant semé l’engeance maléfique
Des dents du grand Dragon, au terroir des Reliques,
Sortit bientôt après du fonds ainsi semé
Une bande de gens, un esquadron tout armé,
Qui ne s’accordant point, soudain s’entredeffirent:
Mais aucuns du conflit echappés la paix firent,
Se touchant en la main & se tendant les bras,
Suivant l’avis plus sûr de la docte Pallas.
Cadmus est le premier qui enseigna les lettres,
Et les arts liberaux à ceux qu’il rendit maîtres,
Et si les assembla par amiable accord:
Desquels les auditeurs se mettent en discorde,
Et se piquant souvent point ne se veulent rendre
Et jamais sans Pallas ne se peuvent entendre."

L'outrecuidant compte, compte, recompte et décompte. L'outrecudiant a compté pas moins de seize dents, seize dents comme les dents du dragon


"La fable de Cadmus peut être commodément rapportée à la condition de lettres & lettrés. Car on dit que Cadmus fut le premier qui apporta les lettres de Phenicie
en Kalakata, qui tua le dragon, gardien de la fontaine Castalienne, des dents duquel mises en la terre, & comme semees, on tient que gendarmes armés sortirent, qui s’entretuèrent, comme ayant conspiré la mort les uns des autres: en
fin toutefois s’accordèrent suivant l’avis de Minerve. Ce que peut etre entendu de la parole, ou des piques qui entreviennent entre gens de savoir. Car la parole est dicte sermoen Latin, à serendis verbis, c’est à dire, parce que les mots y sont comme semés, ainsi que l’ont enseigné les anciens Grammairiens: laquelle parole etait jadis comprise en 16 lettres (or est il que les dragons ont autant de dents) lesquelles lettres se tuent l’une l’autre & ne peuvent jamais tomber d’accord, si les voyelles ne sont accommodées aux consonnes, qui servent comme d’âmes au corps. Les lances & piques des hommes armés, sont ici les accents, ou les notes des esprits, qu’on appelle, que sont les aspirations, qui jamais ne se peuvent entendre, & venir a un bon acord, sinon par le moyen de Pallas, c’est à dire, de la raison & intelligence. Que si nous rapportons ceci aux contentions & disputes des hommes doctes, nous remarquerons bien aisement que beaucoup de grands altercats viennent des dents semées du dragon, c’est de la Philosophie, & livres mis en lumière: lesquelles disputes contentieuses à peine peuvent prendre fin, sinon que quelque divine inspiration entrevienne."

1.6.08

Comment pratiquer la pêche à l'Ennemi

Le prieur général de la Congregation de Saint-Zoulou fit éditer un jour un traité de pêche à l'Ennemi.
Ce traité stipule que tout habitant de l'île doit avoir en sa possession un haveneau, un croc et une ou deux gaffes pour crocher l'ennemi, pour l'étourdir voire le tuer.
Mais tout d'abord il s'agit de l'appâter avec des rougets-barbets, des thons, des poissons-lait, des pieuvres et des requins.
On peut aussi offrir à l'Ennemi des boissons cérémonielles, des ceintures de fleurs, voire le chasser à la dynamite ou au poison. Tous les moyens sont bons, toutes les techniques de Pêche ou de chasse sont les bienvenues mais il ne faut jamais oublier
Il enjoint de gaffer l'ennemi de préférence à la tête pour éviter qu'il ne gigote. Croché dans le corps il va se débattre, réussir à se décrocher et s'échapper.
Il recommande aussi l'utilisation du noeud coulant réalisé à partir d'un noeud de chaise autour du dormant. Il suffit de placer le collet jusqu'à la hauteur des ouïes de l'Ennemi, puis une fois le collet en place, de serrer très fort, hisser l'Ennemi Ou le laisser attaché jusqu'à ce qu'il meure.
Ne pas oublier d'évacuer le sang et les humeurs...Cela c'est la version épiscopale.

Mais la rumeur circule que l'Ennemi n'est rien d'autre qu'une créature hétéroclite, un diable volant, ni plus ni moins, un succédané de requin-marteau, moustique et chauve-souris à cornes de boeuf nélore et aux mains pires que des tenailles, un mutant, quoi, un dégénéré que seuls des désinfectants tels la Créolina et le Bézéguel sont à même d'éliminer le venin de cobra.

Mais d'autres, encore, ceux-lá bien plus rares, mais bien plus au fait des choses, s'aventurent jusqu'à évoquer un pacte tacite entre vautours carcaras, de la région du Carrascon, et les frères Adémar et Ordario, tous deux sourds et muets, comme le furent depuis des génerations d'unions congénitales, leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents.

30.5.08

Les poules du couvent couvent


Les poules du couvent des Pardons couvent au son de la harpe à pédales et du berimbau. Voilá quel fut le songe étrange que reçurent le jour de la Saint-Zoulou une bonne foultitude de personnages des Reliques quasi simultanément conformément aux appels de la Providence. L'archevèque de Station Wolfork et primat des Reliques reçut l'appel, le Chapitre Général de la Communauté de Saint-Zoulou tout entier avec l'exception notable du Prieur Général, spécialiste de la capture de l'Ennemi au noeud coulant, en déplacement dans le cadre très strict de ses attributions, reçut l'appel, 142 profés perpétuels reçurent l'appel, 65 oblats réguliers reçurent l'appel, un novice qui faisait un temps au désert reçut l'appel.

24.4.08

Sulamita Tapiramuta voulait toujours commander

Sulamita Tapiramuta voulait toujours commander...Elle régentait le monde à sa façon, accordant sa bénediction à l'un, maudissant l'autre tout cela avec cet éternel sourire de jeune fille effarouchée. Elle avait hérité de sa mère Maria de Lourdes le don insigne de voyager parmi les rêves, ce dont elle ne se privait d'ailleurs pas, puisque chaque matin à son réveil, elle n'avait pas moins de quatre à cinq douzaines de rêves à coucher sur le papier afin de pouvoir les analyser plus tard sereinement. Cette intense activité psychique nocturne avait malheureusement l'inconvénient de provoquer chez la demoiselle une intense migraine et il suffisait qu'apparaisse à ces moments lá un seul petit cafard de rien du tout pour que l'événement déclenche un charivari hystérique chez l'apprentie démiurge dont les cris de belette zébraient l'air comme des éclairs de démence.
À ces moments lá elle perdait toute prestance, toute convenance, toute fierté, toute raison et on aurait cru sa demeure envahie de douze mille cafards armés et cuirassés pour un combat de tranchées...
Il n'y avait pas un seul habitant de son quartier, pas un seul qui n'ait une anecdote à raconter sur Sulamita Tapiramuta et ses cafards, pas un seul qui n'ait eu un jour ou un autre à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit à lui prêter secours en toute urgence. Et elle même riait de ces histoires de folle à gorge déployée, une fois bien sûr la vermine écrasée, broyée, flytoxée et anihilée par un sauveteur providentiel goguenard..
Nul besoin de préciser que tous les jours elle pulvérisait les quatre coins de sa demeure d'une potion secrète censée éloigner les prédateurs mais il y avait toujours un indésirable plus acharné que les autres qui arrivait on ne sait comment à déjouer les mille et un pièges tendus par la demoiselle.
De tous les cancrelats celui qu'elle redoutait le plus c'était le grand cafard albinos volant. Ah celui-lá l'avait narguée des nuits et des nuits durant, onze nuits exactement, onze nuits où elle n'avait pas pu fermer ne serait-ce que la moitié de l'oeil, sur le pied de guerre qu'elle était, balai, filet à papillon, épuisette, tapette à mouches, serviette de toilette, bombes de produit mortel. Rien n'y fit, il passait par ici, il ressortissait par lá, le grand albinos volant, ayant même l'audace de plonger sous ses draps et de remonter nonchalamment le long de ses jambes longues, longues, longues à en donner le vertige, allant même jusqu'à faire frissonner ses antennes le long de sa toison alors que pendant un instant elle s'était de guerre lasse assoupie. On entendit, raconte-t-on jusqu'à aujourd'hui dans le voisinage, voler les draps par les fenêtres et on vit en plein clair de lune la belle décomposée prendre ses jambes à son cou comme poursuivie par douze essaims déchaînés de guêpes maçonnes, poussant ses traditionnels cris d'orfraie.
Après cet incident que je ne vous aviserais pas de narrer en sa présence, sauf à vouloir vous en faire une ennemie, Sulamita Tapiramuta résolut de tout savoir sur cet albinos volant qui ferait d'elle en une traînée de poudre la risée de l'île toute entière, son habitat, ses moeurs, son mode de reproduction, et décréta à qui voulait l'entendre qu'elle allait l'exterminer, le scélérat à ailes, lui et toute son oothèque. Eh oui Sulamita Tapiramuta voulait toujours commander !