25.4.07

Quel Roi suis-je ?

[Clovis Junior : Dia da Cantoria]

Le premier acte pris par la Reine Charlotte-Zoulou III en Conseil Privé, lors de son accession au Trône en 1918, fut de créer une Fondation qu'elle baptisa Fondation Reine Charlotte pour la Promotion de l'Art Naïf.
La Reine Charlotte-Zoulou III, artiste naïve elle même et collectionneuse d'art naïf depuis sa plus tendre enfance, voulut marquer ainsi sa volonté farouche de placer son règne sous le pavillon des arts populaires. Afin d'encourager la production d'oeuvres de style naïf par les habitants des Reliques, elle instaura dès 1918 le premier Salon d'art naïf des Reliques, suivi en 1919 par la Biennale Naifs des Reliques dont le thème choisi fut "Quel roi suis-je ?". Le Salon comme la Biennale furent dotés de prix en tafias sonnants et trébuchants et les oeuvres acquises de la sorte contribuèrent à former un fonds si riche que dès 1930 on inaugurait à Kalakata le Musée Royal d'Art Naif dans ce qui avait été auparavant l'habitation Saint-Louis.
C'est aussi Sa Majesté qui inaugura dès 1919 le premier concours d'affiches carnavalesques qui fit dès lors partie du calendrier artistique des Reliques. Ces affiches sont elles aussi pieusement conservées par le Musée des Arts Carnavalesques qui se trouve à Station Wolfork.
C'est encore Sa Majesté qui codifia le carnaval des Reliques. Elle introduisit la figure du Roi Momo 1° et unique, en chair et en os, plutôt en chair puisque devant peser un minimum de 150 kilos sur la balance. Elle le fit accompagner de la Reine du Carnaval et du reste de la Famille Royale composée des princesses et du prince Héritier Ti-Momo. Une commission ad hoc fut installée pour procéder à l'élection au suffrage universel parmi les sujets de Sa Majesté de cette Famille Royale qui devait mener le Bal pendant toute une année aux quatre coins de l'archipel.
Pour pouvoir accéder à cette Famille Royale, les conditions furent draconiennes. Il s'agissait de s'adonner à des agapes fastueuses. Ainsi pour prétendre accéder à la magistrature suprême et devenir pendant 52 semaines Roi Momo 1° il fut décrété qu'un candidat, outre le fait de peser plus de 150 kilos et de savoir danser, devait pouvoir ingurgiter sans broncher au moins une bonne vingtaine de poulets boucanés et deux bons plateaux de pâtes, sans compter une kyrielle de verres de tafia à 55 degrés. Entre vomissements, diarrhées, pets malorodorants et appels au secours, on choisissait, entre baleines et cachalots, le sujet de Sa Majesté le plus obèse. Plus il suait comme un cochon, plus il portait avec élégance ses 200 kilos de graisse et plus il avait la chance d'être élu. Alors de "Bouche d'égout" de "Margelle de puits" ou de "Sucette du Vésuve" l'heureux élu en ceignant sa couronne se transformait en Roi Momo 1° et unique, en chair et en os. On en connut même des gens dont le rêve était d'arriver à 200 kilos rien que pour pouvoir poser leur candidature au poste de Roi Momo 1°.
Pour les enfants on institua la figure du Prince Héritier Ti-Momo qui lui aussi devait représenter la Royauté dans toute sa splendeur. Ti-Momo devait pouvoir à 7 ans avaler ses 4 poulets, savoir danser comme il fallait et faire preuve de dignité même sous une pluie diluvienne...
Quant à la Reine et ses princesses elles durent par arrêté du Conseil privé du Royaume peser le même poids et avoir la même taille que leur souveraine Charlotte-Zoulou III. Ce ne fut pas facile car la Reine Charlotte était d'un gabarit qui imposait le respect, une géante de 1m91 qui pesait ses 125 kilos et qui après un règne de 48 ans jusqu'à sa mort le 16 décembre 1965 conserverait ce poids royal.
Lors de la première épreuve de sélection au mois de janvier 1919 l'histoire raconte que le cuisinier en chef du banquet dut faire appel à 4200 cochons de lait et 2100 poulets....Aussi fut-il décidé pour les funérailles en grandes pompes de Sa majesté la Reine Charlotte-Zoulou III d'abattre exactement le même nombre de cochons de lait et de poulets. Le jour de l'enterrement tous ceux des 48 Momos, toutes celles des 48 Reines du carnaval qu'elle avait intronisés, les 96 princesses de sang qu'elle avait couronnées et les 48 Mominhos qu'elle avaient pris à bout de bras, tous ceux d'entre eux qui étaient encore vivants, et ils étaient encore pléthore tant la fête conserve, se firent un devoir de l'accompagner en procession jusqu'à sa demeure finale. On fit apposer une plaque sur son caveau qui disait ceci : "Ici repose notre soeur de sang et de chair Charlotte-Zoulou III, reine de Kalakata et impératrice du Carnaval. Signé Roi Momo 1° et Unique"
Des gerbes de fleurs blanches furent déposées sur son caveau mais dès le lendemain elles disparurent pour laisser place à un cochon de lait et un poulet boucanés déposés sur une assiette avec un verre et une bouteille de rhum...
Depuis le 16 décembre 1965, tous les seize du mois, un sujet de Feue Sa Majesté Charlotte-Zoulou III continue par delà l'au-delà à satisfaire la gourmandise de sa souveraine....