1.6.11

Hippolyte-Léon Deleuze Flammarion dit Ismaël et la Treizaine à Saint-Antoine-des-Divins-Plaisirs

L'ara cobalt de Flore de Sainte Rita, le dénommé Hippolyte-Léon Deleuze Flammarion appelé aussi Prince-Régent Ismaël, possédait un répertoire unique qui faisait la fierté de sa maîtresse. De son premier maître Arsène Tamarin, dit Boniface, dit le Commandeur, il avait appris tous les commandements du quadrille. C'était un vrai artiste, un Commandeur digne de toutes les légions d'honneur. Nul ne sut jamais comment il apprit le Cantique des cantiques. Ce que l'on sait c'est qu'au contact de Flore de Sainte Rita, bibliothécaire au Centre des Féticheuses Moisson d'Amour le matin, serveuse chez Boniface le soir, reine du Quadrille d'Or, l'ara cobalt était devenu un vrai recueil de prières volant. Il savait sans férir les prières générales, les prières pour soi-même, les prières pour autrui, les prières pour ceux qui ne sont plus sur la terre et les prières pour les malades et les obsédés. Il savait tout du gouvernement des esprits, savait les nommer tous du grand Patron au petit dernier. Imitait tam-tams et grelots on ne sait comment. Il aimait raconter comment la déesse des éclairs était venue le chercher à l'époque  où sa tête était devenue une plaie et qu'il était paralysé à la croisée des chemins.

Flore de Sainte Rita l'avait entraîné à se consacrer chaque matin à l'entretien avec les Anges Gardiens et les Esprits Protecteurs et avait pour lui faciliter la tâche divisé l'année liturgique comme pour elle en treizaines. Méthodiquement elle lui enseigna comme le recommandent les Esprits l'Oraison Dominicale simple et développée, lui fit goûter aux saveurs de la profession de foi, de l'adoration et de la soumission, lui inculqua le principe de charité. Puis elle entreprit de lui enseigner les prières de la Treizaine
Elle commençait ainsi le premier jour de la Treizaine:

Chers Soeurs et Frères, présentons à Jésus nos prières afin que, par l'intercession de Saint-Antoine, il répande sur nous Sa Miséricorde.
Ce sur quoi Hyppolite-Léon poursuivait:

1. Le Docteur évangélique
Saint-Antoine, tu as été proclamé Docteur de l'Église pour ta profonde sagesse de théologien, pour ton exemple de vie évangélique et pour ton zèle incomparable d'apôtre de l'Évangile. Obtiens-nous du Seigneur une foi forte, une vie droite, et rends-nous attentifs à l'enseignement de l'Église, notre Mère. Fais que notre vie soit conséquente avec la Foi que nous professons.

Gloire au Père.

Le lendemain c'était :

2. Le secours des mourants
Saint-Antoine, tu es allé vers la mort en chantant un hymne à la Vierge et en disant : " Je vois mon Seigneur. " Nous te prions de nous assister au dernier jour, de secourir ceux qui sont à l'agonie, et d'intercéder en faveur des âmes de nos parents et amis défunts.

Gloire au Père.

Le surlendemain c'était :

3. L'artisan de paix
Saint-Antoine, tu as été toute ta vie un artisan de paix. Viens au secours des victimes de la violence, du terrorisme et de la guerre. Dans un monde comme le nôtre, si plein de haine et de sang, fais que nous soyons toujours des témoins de la non-violence, de la paix et de la promotion humaine.

Gloire au Père.

Puis on avait:

4. L'ami du Christ
Saint-Antoine, toi qui as vaincu les tentations du démon par la puissance de la Croix, rends-nous forts et généreux pour résister au mal. Avec toi, puissions-nous être de vrais annonciateurs de l'Évangile.

Gloire au Père.

On continuait avec:

5. Le secours des malheureux
Saint-Antoine, toi qui as guéri tant de malades et tant de plaies, donne-nous le salut de l'âme et du corps. Intercède auprès du Seigneur pour la guérison et la santé de tous ceux qui ont demandé l'aide de nos prières, et rends-nous disponibles au service des malades, des personnes âgées et des handicapés.

Gloire au Père.

On arrivait alors au sixième jour:

6. Le marcheur de Dieu
Saint-Antoine, tu as longtemps marché sur les routes de France et d'Italie pour annoncer à tous le Royaume de Dieu. Sois le compagnon de notre pèlerinage terrestre. Protège les voyageurs, les routiers, les conducteurs, de tous les dangers de ce monde, pour que, d'étapes en étapes, ils parviennent au chemin du salut.

Gloire au Père.

Le septième jour c'était:

7. Le compagnon fidèle
Saint-Antoine, nous avons recours à toi quand nous perdons de petites choses et tu nous aides à les retrouver, pour notre paix et notre joie. Aide-nous surtout à demeurer fidèles dans les grandes choses. Fais que nous ne perdions rien de l'essentiel et que nous cherchions d'abord ce que Dieu Veut de meilleur pour chacun de nous.

Gloire au Père.

Le huitième jour:

8. Le maître spirituel
Saint-Antoine, grand maître de vie spirituelle, délivre-nous de la présomption de pouvoir vivre sans Dieu. Aide-nous à renouveler notre vie selon l'Esprit de l'Évangile et des Béatitudes, à donner le bon exemple, et à faire grandir spirituellement ceux qui vivent auprès de nous.

Gloire au Père.

La neuvième prière:

9. Le protecteur des enfants
Saint-Antoine, dont le cœur était rempli d'amour et de tendresse pour l'Enfant-Jésus que tu portais dans tes bras, bénis toutes nos familles et bénis nos enfants. Aide-les à grandir en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

Gloire au Père.

La dixième prière:

10. Le réconciliateur
Saint-Antoine, toi qui, pendant ton ministère, as guidé et soutenu ceux qui venaient écouter ta parole, tu es devenu pour eux le serviteur de la Miséricorde de Dieu. Aide-nous à reconnaître nos fautes et à recevoir humblement le Sacrement de la Pénitence qui nous réconcilie avec Dieu et avec nos frères, dans un même amour.

Gloire au Père.

La onzième prière:

11. L'auteur sacré
Saint-Antoine, tu nous as laissé comme œuvre écrite deux recueils de "sermons", pour l'instruction et l'édification du peuple chrétien. Nous te prions pour ceux qui ont reçu vocation d'enseigner. Nous te prions aussi pour les responsables de presse et ceux qui ont la charge de l'information. Conscients de leur responsabilité, qu'ils recherchent sincèrement la vérité et la communiquent en toute charité.

Gloire au Père.

L'avant-dernière prière

12. Le défenseur des pauvres
Saint-Antoine, toi qui, durant ta vie, t'es toujours prodigué pour la libération des prisonniers et la défense du pauvre, fais que nous soyons attentifs au message de libération de l'Évangile, et que nous en vivions, pour nous-mêmes et pour les autres. Donne-nous le courage de protéger les faibles, les petits et les pauvres devant les injustices des puissants de ce monde.

Gloire au Père.

La treizième et dernière prière

13. Le serviteur de Marie
Saint-Antoine, puisque tu as si bien servi et glorifié sur terre la Vierge Marie, intercède auprès de son Cœur de Mère, pour qu'Elle nous donne toujours Jésus, Son Fils. Sur Son conseil et à ton exemple, que nous soyons généreux pour faire ce qu'Il nous dira.

Gloire au Père.

L'ara cobalt savait toutes les prières par coeur et il ne se passait pas un jour sans qu'il ne les récite à l'heure où retentissaient les matines. Il dormait alors perché sur un manguier qui se trouvait au fond de la cour de chez Flore de Sainte Rita. Oui, il y avait belle lurette que la volière avait été mise aux oubliettes. Monsieur Hippolyte-Léon Deleuze Flammarion était un oiseau libre et clairvoyant ! On raconte même que Flore de Sainte Rita lui donnait volontiers la becquée comme s'il se fut agi d'un oisillon coq en pâte. Elle lui concassait consciencieusement ses sept grains de maïs bleu, mastiquait tout cela jusqu'à en faire une pâté pour enfin régurgiter son hostie en bouillie dans le bec grand ouvert  de l'animal. Celui-ci dès lors pouvait intercéder mystiquement, invoquer les esprits, conjurer les mauvais sorts le corps enduit de kaolin et de farine. Les génies alors s'incarnaient en lui du génie de l'eau au génie du vent, du génie du feu au génie du tonnerre !
Vint le jour de triste mémoire où avant même les matines, un faucon le saisit par le collet et s'envola avec la ferme intention d'en faire son festin. Le volatile réveillé en sursaut cria d'une voix étranglée: Fleurisse, Fleurisse ! mais la pauvre Flore de Sainte Rita qui était en pleine transe à cette heure-là ne pouvait l'entendre. Il cria encore: Fleurisse, Fleurisse ! Les matines commencèrent à sonner. Flore de Sainte Rita écarquilla ses yeux immenses comme des pleines lunes ! La vision qu'elle eut devait la poursuivre jusqu'au trépas: elle vit le faucon emmener sa proie qui criait d'une voix bien distincte quoique légérement étranglée la dernière prière à Saint-Antoine-des-Divins-Plaisirs. Elle eut le temps d'entendre encore "Cavaliers aux....." mais le mot "Dames" s'évanouit dans la même éternité impitoyable que le Gloire au Père.