6.9.07

Complainte de Jean-Zoulou XXIX

A cinq heures du matin
Il était juste cinq heures du matin.
Un ange apporta le rhum blanc
à cinq heures du matin.
Le citron vert déjà pressé
à cinq heures du matin.
Et le reste n'était que bouteille vide, rien que bouteille vide
à cinq heures du matin.

L'eau glacée avalée chassa la charpie
à cinq heures du matin.
Et la canne sema un nouvel alizé
à cinq heures du matin.
Déjà luttent l'ortolan et le raccoon
à cinq heures du matin.
Et la gorge avec le verre désolé
à cinq heures du matin.
Le tafia commença à sonner
à cinq heures du matin.
Les cloches de venin et la fumée
à cinq heures du matin.
Dans les recoins, des cyclones de silence
à cinq heures du matin.
Et la bouteille seule, le goulot offert!
A cinq heures du matin.
Quand vint la sueur de l'iode
à cinq heures du matin,
quand le comptoir se couvrit de café
à cinq heures du matin,
la bouteille déposa ses derniers oeufs dans la bagasse
à cinq heures du matin.
A cinq heures du matin.
Juste à cinq heures du matin.

Un cercueil à roues de verre bouteille pour couche
à cinq heures du matin.
Flûtes et contre-ut s'enchaînent à ses oreilles
à cinq heures du matin.
Déjà la bouteille mugissait contre son front
à cinq heures du matin.
Le bar s'irisait de vomissures
à cinq heures du matin.
Déjà au loin s'approche le paradis
à cinq heures du matin.
Diarrhée sur la langue qui verdit
à cinq heures du matin.
Les papilles brûlaient comme des soleils
à cinq heures du matin,
et la houle démâtait les entrailles
à cinq heures du matin.
A cinq heures du matin.
Aïe, quelles terribles cinq heures du matin!
Il était cinq heures à toutes les horloges.
Il était cinq heures à l'ombre du matin!