11.11.12

Week-end à Caféière

Sacré Bout du Monde à Part. Jadis le volcan s'appelait Caféière ! C'était l'époque où Commandant Cafre, son plus illustre exciseur, arrière-petit-fils d'Ochan, y semait le soufre tandis qu'au même instant son éternelle épouse, Dièse de Sainte Lumière, elle même descendant en ligne directe de Jean VIII l'Angélique et que d'aucuns appelaient tout simplement Déesse, vaquait dans le charivari de son carnaval permanent. On y accédait par une route en contrebas du cimetière de Kalakata. Si l'on peut qualifier de route ce qui n'était alors tout au plus qu'une trace, une illusion de chemin, un entrelacs de nids à poules ! Seul le regard aiguisé d'une fourmi coupeuse de feuilles pouvait y retrouver ses petits. Et ces dernières ne s'en privaient d'ailleurs pas à tel point que certains en arrivèrent parfois à se mélanger les pinceaux, qualifiant Caféière de Fourmilière. Quand ils ne la qualifiaient pas simplement de Contrebas de Cimetière ou de Soufrière. Puis de glissement en glissement on baptisa Caféière de Le Bout du Monde à Part.
Ce qui pourrait apparaître étrange au non-initié, non habitué aux caresses volcaniques, n'était somme toute que logique. D'autant plus qu'à Caféière jamais on ne planta le moindre plant de café !
Mais pour les initiés, les adorateurs inconditionnels de la Déesse, Dièse de Sainte Lumière, une déesse post-moderne si l'on en croyait les écrits d'un maître plume de l'époque, Godwin Dieudonné, post- moderne parce que polyglotte, polychrome et polysyncrétique, Caféière, Bout du Monde à part, tout cela n'était que blasphème: le lieu saint, entendez par là l'espace de drive de la déesse, avait pour nom tout simplement Chapelle. D'initié en initié les limites de la dite Chapelle se mélangeaient, pour certains le lieu saint original était la Place des Quatorze, lá où pour la première fois l'existence même de la Déesse avait été révélée au Tout Monde à la suite de l'apparition au-dessus de la tête de la Veuve Eternel sur un arbre perchée...Pour d'autres le lieu saint commençait au pied de Pantaléon, l'Indicible, le Maître Intercesseur En Personne, seul épargné du terrible martelage, témoin muet quoi qu'en première ligne de l'apparition . Voici d'ailleurs comment la Veuve Eternel racontait la chose:
"Des mamelles de la Papesse en habits pontificaux je vis sortir pour venir se placer au dessus de la tête de la vénérable une tiare somptueuse faite de 9 halos de joyaux et bãtisses surmontées d'une pierre précieuse formant bouton où virevoltaient 9 qualités d'anges sculptés: dans le premier halo froufroutait tout un régiment de guêpes maçonnes. Le deuxième halo foisonnait de moustiques de la plus belle race maringouine. Dans le troisième couronne, ce n'étaient que fourmis folles vibrionnant, et dans le quatrième halo se pavanaient des criquets multicolores psalmodiant. Le cinquième halo était l'antre des mouches à miel bourdonnant. Quant au sixième halo y reignaient les araignées. C'était le dernier anneau visible. Tout ce beau monde allait, venait apparemment dans le plus grand des désordres. Un halo allait dans le sens des aiguilles d'une montre, l'autre dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, l'un faisait une pause toutes 30 secondes alors que l'autre continuait ad libitum tandis qu'un troisième demeurait immobile des jours voire des heures voire des années. Les trois derniers anneaux étaient invisibles aux yeux des incroyants. Il fallait avoir la foi pour voir les septième, huitième et neuvième anneaux car si on les voyait on pouvait illico devenir aveugle de façon irréversible. Selon la Veuve Eternel, l'Elue de la Déesse, le septième anneau était chargé de nombrils, le huitième de restes d'ongles et le neuvième des cheveux entremêlés de toute la communauté."
Témoins épars de ce culte on trouvait dans tous les recoins de la Chapelle des offrandes faites à la Déesse, friande en premier chef de gombos, mais grande amatrice de ces mets délicieux que sont cheveux, cigares, ongles et nombrils en tous genres...