11.7.07

Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem

Certains grands hommes naissent comme tracès à la serpe dans la roche et le vent, d'autres non moins grands sont issus d'une transmutation d'os et de graisse ! D'autres, plus grands encore, bien plus rares encore, surgissent à l'improviste des entrailles de la terre et distillent dès leur premier cri de l'or du meilleur aloi ! Il en fut ainsi du frère d'Ondine Guimbo, plus connue sous le nom de Tanjura, enfant utérin d'Artémia Guimbo, celle-là même, cette figure bien connue des Reliques et qu'on affubla jadis en son temps de l'étrange sobriquet de Veuve Cyclone !
Se remémorant la naissance de ce rejeton comme d'une épopée digne d'un des contes de fées les plus fantastiques des Frères Grimm, la Veuve Eternel devait dire bien des décans plus tard : "Quand il est venu à la lumière, j'ai été comme soulevée par des odeurs d'un autre néant ! Ca puait l'or, une odeur de coquillage, de noix de coco, de corne et d'os ! Par réflexe je me suis bouché le nez mais c'est alors que l'enfant a parlé et m'a dit en prenant tout son temps pour que je comprenne bien :"Tu m'appelleras Pierre Philosophale"
Malgré les protestations de l'Officier d'Etat Civil de Kalakata qui avait suggéré en vrac Pierre-Paul, Pierre de Rome, Saint Pierre, Saint Paul, on enregistra en bougonnant la naissance un 29 juin de Pierre Philosophale Guimbo.
La légende raconte que "Tu m'appelleras Pierre Philosophale" furent les seuls et uniques mots que jamais Pierre Philosophale Guimbo prononça à la face du monde connu des Reliques ! mais d'autres sources disent même qu'il se permit le luxe même d'épeler de façon doctorale Pierre Philosophale à sa mère pour qu'aucune erreur ne fut commise par l'état-civil : "PIERRE, P, I, E, deux R, E , PHILOSOPHALE, P, H, I, L, O, S, O, P, H, A, L , E "
On raconte encore, mais les gens racontent tant de choses et la parole galvaudée ne laisse plus qu'une trace infime que seules les vieilles pécores ravaudent encore, donc on raconte encore que c'est parce qu'il connaissait les moindres replis de l'âme d'Artémia Guimbo que son fils se permit de lui épeler le nom par lequel il souhaitait être connu. Il se murmure en effet que la Veuve Eternel au vu de l'anatomie particulièrement vigoureuse de son rejeton et plus spécifiquement au vu de ses deux testicules qui avaient la forme de deux avocats arrivés à pleine maturité s'était exclamée en son for intérieur :"Quel Grand Phalle !"
Mais malgré toutes les précautions prises il n'en alla pas autrement : ce fut sous le nom de Pierre Grand-Phalle que Pierre Philosophale allait grandir.
Etrange destin que celui de cet enfant qui dès le premier jour refusa de téter au sein de sa mère, se recusa à connaître la langoureuse succion d'une tétine de biberon, refusa de goûter la bouillie de dictame ! Monsieur refusait toute alimentation (quoique certaines langues perverses racontent encore que quand on lui badigeonna les lèvres d'une cuillerée de tafia mélangée à du sang de tortue il émit un petit gloussement prémonitoire)! Même sous sérum, il dépérissait à tel point qu'au lendemain de sa naissance on pensait déjà à la fabrication de son cercueil en contreplaqué imitation bois de rose. Mais Artémia Guimbo n'était pas femme à abdiquer si facilement ! Il avait sûrement grand goût, pensa alors sa mère qui manda chercher les plus belles nourrices de lait pour redonner goût à la vie à sa marmaille. Mais tétu comme pas un le petit naufragé méprisa mamelons plats le lundi, dédaigna mamelons coniques le mardi, toisa mamelons ombiliqués le mercredi, ignora mamelons proéminents le jeudi, révoqua aéroles le vendredi, congédia mamelons de tout acabit le samedi. Pauvres Madelons qui s'évertuaient à le faire s'abreuver de leur manne ! Pas une ne trouvait grâce à ses yeux !
C'est alors que le dimanche, au septième jour de la naissance de Pierre que sa mère eut une révélation. La dernière nourrice ayant suggéré qu'on lui administre de force de l'eau de Lourdes bénite alors que l'enfant n'était même pas encore passé sous les fonts batismaux, elle se souvint de l'odeur de coquillage à la naissance de son petit dernier et s'exclama :"Et si on lui donnait un peu d'eau de mer !??"
Elle prit son enfant sous les bras bien enveloppé dans ses langes et se rendit dans une crique toute proche, histoire pensait-elle de lui humecter les lèvres et de voir si la Sainte Providence veillait encore sur elle. Ce fut inespéré ! En un instant l'enfant repris des couleurs ! Il avala l'eau comme s'il se fut agi d'air à grandes bouffées, comme un chameau en dérade après avoir traversé les mirages de cent oasis de lait et de miel! De retour chez elle, Artémia ne fit part à personne de sa découverte. Elle mit tranquillement le naufragé dans son berceau et prenant du jerrycan de dix litres se rendit en canot au milieu de la mer d'où elle puisa 10 litres de la substantifique moelle qui avait redonné vie à sa progéniture. Ce n'est qu'après une semaine entière d'une diète de choc de ce plasma nacré composé aux trois-quarts de son propre lait et pour un quart par de l'eau de mer que Grand-Phalle consentit enfin à s'abreuver au sein de sa mère. Mais il devait tout au long de sa vie continuer à prendre par petites gorgées son sérum, dont il modifia par la suite l'un des constituants : il garda le quart d'eau de mer mais troqua le lait maternel par le rhum à 55 degrés, un vrai ricin artisanal, que ce mélange de deux eaux de vie ! Aussi ne vous étonnez pas si au détour d'un bar à Kalakata comme dans tout l'archipel des Reliques vous entendez commander au maître de céans :"Sers nous deux sérums !". Il reviendra et dira aux amateurs :"Et voilà les deux Grand-Phalles !". Ou bien :"Deux Pierres Philosophales, bien servies" ! Quant à Pierre Philosophale "Grand Phalle" Guimbo ses amours tumultueuses avec la princesse-pianiste Maria Una entreraient un jour dans le panthéon de l'amour à la mode de Kalakata !