Tout le corps de Flore de Sainte Rita porte le cachet du surnaturel :
quand elle entre en transe des abeilles mystérieuses, voltigeant autour
de sa bouche entr'ouverte y entrent, viennent y cueillir le pollen et
en ressortent sans lui faire aucun mal...Mais au delà du regard qui tend
à s'attarder sur les formes rebondies de l'ensorceleuse, au delà du
goût de sa langue, jardin secret de myrrhe et d'encens au milieu des
corolles de jasmins odorants, c'est sa peau, le parfum de sa peau qui
envoûte l'odorat, c'est sa peau, le parfum de sa peau dont la réputation
des charmes a dépassé les limites de l'Autre Bord. Il faut avoir
respiré, humé, inspiré la peau de la donzelle au moment de l'extase. Il
s'en dégage une odeur ineffable, une odeur si inoubliable que quiconque a
senti cette odeur en est à jamais rendu esclave. Oh la peau de Flore de
Sainte Rita, on pourrait écrire tant de manuels de biologie que cela ne
suffirait à décrire le tremblement de terre qu'occasionne dans les
narines la simple évocation de ces effluves. C'est un parfum numineux...
On
a bien dépêché des quatre coins du monde le ban et l'arrière-ban des
plus fins limiers de l'industrie des parfums pour tenter de répliquer
cette odeur divine réputée animale et boisée, oscillant constamment
entre le musc et le bay-rum. Ils sont venus des quatre points cardinaux,
d'Inde, de Marrakech, du Brésil et même des Iles-Unies pour tenter de
synthétiser ce joyau aux 46 composants réputé aphrodisiaque mais Flore
de Sainte Rita n'entre en transe que le mardi. Seul jusqu'à aujourd'hui
le parfum Flore de Sainte Rita a su s'approcher de l'original. Il faut
dire que son créateur n'est autre que Flore de Sainte Rita elle-même, la
femme prototype de l'archipel des Reliques, la femelle aromate dont la
chair d'orphie à maturité suscite les convoitises éternelles da la gent
masculine qui l'a côtoyée.
On raconte donc que sous cette peau,
cette chair angélique, mélange de peau d'orphie aux écailles chatoyantes
et de peau de sirène, se trouverait une glande en forme de coeur qui
conserve, tel chez un chevrotain porte-musc, un musc que même les muscs
les plus musqués de Nankin et de Tonkin ne sauraient surpasser. Une
analyse plus approfondie révèle cependant des milliers de chemins de
traverse sous cette peau, des milliers de passerelles de boias d'Inde
aqux saveurs de girofle, citronnelle et anis, qui mènent à autant de
goufres béants, de précipices d'où jaillissent des sources chaudes comme
des geysers de neige éternelle. Au microscope on voit parfaitement un
enchevêtrement de réseaux tous reliés au coeur. Car la peau de Flore de
Sainte Rita a l'odeur ineffable du coeur. L'odeur du coing et du coeur
de palmier disent les mauvaises langues mais pour les inconditionnels
pour les adeptes de sainte Rita il s'agit bel et simplement de l'odeur
du coeur. Mais le coeur a-t-il une odeur ? Et si oui est-ce odeur de
fruit vert, blet ou mûr ? Est-ce odeur de musc ou de bois d'Inde, de
jaque dure ou de jaque molle ?