Sacré Bout du Monde à Part. Jadis le volcan s'appelait Caféière !
C'était l'époque où Commandant Cafre, son plus illustre exciseur,
arrière-petit-fils d'Ochan, y semait le soufre tandis qu'au même instant
son éternelle épouse, Dièse de Sainte Lumière, elle même descendant en
ligne directe de Jean VIII l'Angélique et que d'aucuns appelaient tout
simplement Déesse, vaquait dans le charivari de son carnaval permanent.
On y accédait par une route en contrebas du cimetière de Kalakata. Si
l'on peut qualifier de route ce qui n'était alors tout au plus qu'une
trace, une illusion de chemin, un entrelacs de nids à poules ! Seul le
regard aiguisé d'une fourmi coupeuse de feuilles pouvait y retrouver ses
petits. Et ces dernières ne s'en privaient d'ailleurs pas à tel point
que certains en arrivèrent parfois à se mélanger les pinceaux,
qualifiant Caféière de Fourmilière. Quand ils ne la qualifiaient pas
simplement de Contrebas de Cimetière ou de Soufrière. Puis de glissement
en glissement on baptisa Caféière de Le Bout du Monde à Part.
Ce
qui pourrait apparaître étrange au non-initié, non habitué aux caresses
volcaniques, n'était somme toute que logique. D'autant plus qu'à
Caféière jamais on ne planta le moindre plant de café !
Mais pour
les initiés, les adorateurs inconditionnels de la Déesse, Dièse de
Sainte Lumière, une déesse post-moderne si l'on en croyait les écrits
d'un maître plume de l'époque, Godwin Dieudonné, post- moderne parce que
polyglotte, polychrome et polysyncrétique, Caféière, Bout du Monde à
part, tout cela n'était que blasphème: le lieu saint, entendez par là
l'espace de drive de la déesse, avait pour nom tout simplement Chapelle.
D'initié en initié les limites de la dite Chapelle se mélangeaient,
pour certains le lieu saint original était la Place des Quatorze, lá où
pour la première fois l'existence même de la Déesse avait été révélée au
Tout Monde à la suite de l'apparition au-dessus de la tête de la Veuve
Eternel sur un arbre perchée...Pour d'autres le lieu saint commençait au
pied de Pantaléon, l'Indicible, le Maître Intercesseur En Personne,
seul épargné du terrible martelage, témoin muet quoi qu'en première
ligne de l'apparition . Voici d'ailleurs comment la Veuve Eternel
racontait la chose:
"Des mamelles de la Papesse en habits
pontificaux je vis sortir pour venir se placer au dessus de la tête de
la vénérable une tiare somptueuse faite de 9 halos de joyaux et bãtisses
surmontées d'une pierre précieuse formant bouton où virevoltaient 9
qualités d'anges sculptés: dans le premier halo froufroutait tout un
régiment de guêpes maçonnes. Le deuxième halo foisonnait de moustiques
de la plus belle race maringouine. Dans le troisième couronne, ce
n'étaient que fourmis folles vibrionnant, et dans le quatrième halo se
pavanaient des criquets multicolores psalmodiant. Le cinquième halo
était l'antre des vonvons bourdonnant. Quant au sixième halo y
reignaient les araignées. C'était le dernier anneau visible Tout ce beau
monde allait venait apparemment dans le plus grand des désordres. Un
halo allait dans le sens des aiguilles d'une montre, l'autre dans le
sens contraire des aiguilles d'une montre, l'un faisait une pause toutes
30 secondes alors que l'autre continuait ad libitum tandis qu'un
troisième demeurait immobile des jours voire des heures voire des
années. Les trois derniers anneaux étaient invisibles aux yeux des
incroyants. Il fallait avoir la foi pour voir les septième, huitième et
neuvième anneaux car si on les voyait on pouvait illico devenir aveugle
de façon irréversible. Selon la Veuve Eternel, l'Elue de la Déesse, le
septième anneau était chargé de nombrils, le huitième de restes d'ongles
et le neuvième des cheveux entremêlés de toute la communauté."
Témoins
de ce culte on trouvait dans tous les recoins de la Chapelle des
offrandes faites à la Déesse, friande en premier chef de gombos, mais
grande amatrice de ces mets délicieux: cheveux, cigares, ongles et
nombrils en tous genres...