21.7.08

Vivificat ! La lettre occit, l'esprit vivifie


Du haut de son pupître de bois polychrome, dominant l'assemblée des brebis égarées ou fidèles, le prédicateur tel saint Paul prêche à la paroisse des Pardons. Vivificat, crie-t-il. Vivificat ! La lettre occit, l'esprit vivifie !
C'est alors que dans l'assemblée, quelqu'un s'avise, on ne sait dans quel but, de compter les dents de l'homme de dieu. Mais on ne compte pas les dents d'un précheur comme on compte les moutons. De plus la distance est grande, on risque de se tromper. Mais notre homme insiste. Pour quelle raison, nul ne le sait. Il veut savoir le nombre des dents du prédicateur. Un point c'est tout.
Le prédicateur dit :
"La lettre occit, l’esprit vivifie."
Le lecteur de dents se signe.
Le prédicateur continue:

"Cadmus ayant semé l’engeance maléfique
Des dents du grand Dragon, au terroir des Reliques,
Sortit bientôt après du fonds ainsi semé
Une bande de gens, un esquadron tout armé,
Qui ne s’accordant point, soudain s’entredeffirent:
Mais aucuns du conflit echappés la paix firent,
Se touchant en la main & se tendant les bras,
Suivant l’avis plus sûr de la docte Pallas.
Cadmus est le premier qui enseigna les lettres,
Et les arts liberaux à ceux qu’il rendit maîtres,
Et si les assembla par amiable accord:
Desquels les auditeurs se mettent en discorde,
Et se piquant souvent point ne se veulent rendre
Et jamais sans Pallas ne se peuvent entendre."

L'outrecuidant compte, compte, recompte et décompte. L'outrecudiant a compté pas moins de seize dents, seize dents comme les dents du dragon


"La fable de Cadmus peut être commodément rapportée à la condition de lettres & lettrés. Car on dit que Cadmus fut le premier qui apporta les lettres de Phenicie
en Kalakata, qui tua le dragon, gardien de la fontaine Castalienne, des dents duquel mises en la terre, & comme semees, on tient que gendarmes armés sortirent, qui s’entretuèrent, comme ayant conspiré la mort les uns des autres: en
fin toutefois s’accordèrent suivant l’avis de Minerve. Ce que peut etre entendu de la parole, ou des piques qui entreviennent entre gens de savoir. Car la parole est dicte sermoen Latin, à serendis verbis, c’est à dire, parce que les mots y sont comme semés, ainsi que l’ont enseigné les anciens Grammairiens: laquelle parole etait jadis comprise en 16 lettres (or est il que les dragons ont autant de dents) lesquelles lettres se tuent l’une l’autre & ne peuvent jamais tomber d’accord, si les voyelles ne sont accommodées aux consonnes, qui servent comme d’âmes au corps. Les lances & piques des hommes armés, sont ici les accents, ou les notes des esprits, qu’on appelle, que sont les aspirations, qui jamais ne se peuvent entendre, & venir a un bon acord, sinon par le moyen de Pallas, c’est à dire, de la raison & intelligence. Que si nous rapportons ceci aux contentions & disputes des hommes doctes, nous remarquerons bien aisement que beaucoup de grands altercats viennent des dents semées du dragon, c’est de la Philosophie, & livres mis en lumière: lesquelles disputes contentieuses à peine peuvent prendre fin, sinon que quelque divine inspiration entrevienne."