17.12.07

Sulamita Tapiramuta et le jardin de mandragores



Après dix-huit ans de fiançailles au seuil de son jardin planté de mandragores, après dix-huit ans de dimanche soir au vendredi soir à se morfondre dans la non-volupté de la réflexion et de la solitude, après toute une majorité de week-ends troubles et troublants à peser le pour et le contre d'un engagement clair et net, après dix-huit ans de matinées à consulter de long en large les revues matrimoniales à la recherche du prince perdu, après cette immensité d´années dans l'attente de son couronnement de princesse virginale, reine anankastique promise d'une brousse sèche non débroussaillée, Sulamita Tapiramuta fut sèchement débarquée de son piedestal d'ivoire, en pleine nuit de réveillon de Noël, pour devenir subitement un simple avatar de princesse de sang, pour devenir subitement une ex First Lady du Tommy Dorsey local, une ex du beau colonel Mario Dias Coelho, le tromboniste de la Société Philarmonique Minerve, surnommé par ailleurs 'le diamant noir' qui malgré sa réputation bien établie de musicien fertile comptant au tableau de bord vingt-trois naissances dûment répertoriées, (quinze garçons et huit filles, dont seuls quatorze avaient réussi à survivre, et sur ces quatorze-là deux handicappés profonds!)ne réussit jamais à faire arrondir son ventre comme elle l'aurait si ardemment souhaité.
Une à une elle dut se résoudre à ranger bien au fond de son armoire de jacaranda fabriquée sur mesure les jolies camisoles, les jolies chemises de nuit transparentes bleues, roses, chair, qui savaient si bien faire fondre et durcir d'un même allant son compagnon millénaire. Elles en vinrent à moisir malgré toutes les précautions qu'elle prenait pour les préserver libres de toute contamination.
Durant dix-huit ans la maîtresse d'école s'était enfouie week-end après week-end dans cette relation étrange et pendant dix plus huit années elle n'avait jamais ne serait qu'une nuit partagé sa nuit avec quiconque. Tout juste avait-elle consenti à l'heure du bouleversement des sens à se lancer dans l'étreinte mais aussitôt les sens calmés, il fallait que l'autre déménage, loin de ce lit sur lequel elle avait fait serment de ne jamais se donner entièrement en dehors du mariage. Serment fait à sa mère par ailleurs sur son lit de mort. Aînée d'une famille de 11 enfants Sulamita était pourtant une femme déterminée. Comment alors expliquer ce paradoxe, comment alors expliquer cette étreinte inconsistante, obsessionnelle et compulsive de dix-huit ans ?

8.12.07

Periquita, ou le vin de Setubal du Commandeur


Quand Orquidea Dias reçut du Commandeur Arsène Tamarin par un beau dimanche matin une bouteille millésimée de haute facture du fameux vin portugais Periquita, elle était loin de s'imaginer que ce breuvage pourtant réputé dans les hautes sphères serait la source de tous les maux.
Elle plaça son cadeau sur le haut d'une étagère et pendant cinq ans la bouteille demeura inviolée comme d'ailleurs la jeune fille qui à l'âge de 37 ans demeurait encore donzelle et féministe.
Or il arriva un jour ou rangeant ses affaires dans la perspective de l'arrivée d'un prétendant chez elle, la veille d'une soirée dançante mémorable, la bouteille réapparut sept ans après.
Ne comptant ni deux ni trois, Orquidea Dias avait placé la bouteille au frigo pensant la déguster en petit comité dans la chaleur de la nuit de Capharnaum dont elle était originaire.
Elle ignorait bien sûr les effets pervers du breuvage sur la libido tant masculine que féminine